Photo: Alexandre Mattar |
Le Festival Zones théâtrales s'ouvrait hier avec Le Chien de Jean Marc Dalpé, soulignant par la même occasion le 20e anniversaire de cette pièce primée. Voici ce qui m'habite encore, au lendemain.
Plongé dans un décor suranné où la terre prend toute la place et la boue tache les bas de pantalons et de robe de ses habitants… On entend au loin un chien rageur japper à s'époumoner. Jay retourne au bercail. Il a besoin de voir son père, de l'affronter, de faire sortir le pourri qu'il a dans le ventre . pour libérer sa mère et sa soeur de leur douleur intérieure. pour corriger et heurter cet homme qui a une roche à la place du coeur, cet homme qui a aimé avec ses poings. Brillant choix de Dalpé: la temporalité y est toute brouillée et on voit la réalité à travers le filtre de la pensée – ou des souvenirs – de Jay. Comment Dalpé a pu avoir si précocement écrit des mots d'une cette maturité? d'une telle cruauté? d'une telle vérité? Ces questions tournaient dans ma tête au même rythme que se confirmait une autre grande performance: celle de Joël Beddows qui a fait une mise en scène toute en nuance, en justesse. Ça se voit que Beddows s'est approprié depuis longtemps ce texte, sa violence, son éloquence… Qu'il a compris la langue de Dalpé et qu'il ne veut en aucun cas l'illustrer. Il laisse les mots être et a su, pour ce faire, mettre en place des comédiens im-pe-cca-bles!
Bon, première oblige, des petites ajustements seront nécessaires. Je suis d'ailleurs convaincu que les comédiens – et les créateurs! – ne s'attendaient pas à ce que le public rit autant: les comédiens devront laisser les rires s'éteindre avant de reprendre. Hier, on perdait quelques répliques. Quelques «enfargements» mineures ont aussi été perpétrées, mais rien qui ne se répare pas rapidement.
Autre observation. Le Chien est une pièce d'une grande intensité et . malgré tout le talent des comédiens et la justesse du ton dans la mise en scène, l'intensité ne culminait pas tant que ça hier vers la fin de la pièce. Mais encore une fois, je crois qu'une première est toujours affectée par une dose de nervosité et de nouveauté qui entache quelque peu la «livraison». Je pense que lorsque les cris seront encore mieux sentis et que les comédiens seront bien dégourdis de quelques représentations, la montée dramatique sera à son comble! Ce qui n'a pas empêché la chair de poule à se dresser sur mes bras hier soir.
En somme, la représentation d'hier m'a confirmé combien Dalpé est un auteur grandiose et que sa première pièce solo a toujours un écho retentissant aujourd'hui. que Joël Beddows manie de mieux en mieux ses «instruments» de sa mise en scène. en grand chef d'orchestre sensible et poétique qu'il est. que la région regorge de comédiens magistraux tel que Annick Léger – toujours aussi «à jeter à terre!», Marc Bélanger – très touchant – et Manon St-Jules. Sylvain Massé et Aubert Pallascio nageaient aussi comme des petites poissons dans l'eau!
Une deuxième représentation du Chien a lieu ce soir au Studio du CNA et notez qu'elle reprend l'affiche à la Nouvelle Scène du 19 au 22 septembre prochain, pour ensuite prendre la longue route vers. le Nord de l'Ontario à Sudbury!
Photo: Alexandre Mattar |