Photo: Suzane O'Neill |
Je ne savais absolument pas à quoi m'attendre du spectacle D'après les Ménines de Vélasquez des Productions tableaux vivants, présenté hier (et encore ce soir) au Festival Zones théâtrales. Le programme en disait peu. si ce n'est que la pièce s'inspire du célèbre tableau de Vélasquez et qu'elle ressuscite l'Espagne orgueilleuse et ruinée de Philippe IV. Mais encore? Maintenant que je l'ai vue, je comprends pourquoi on avait tant de mal à mettre des mots sur le spectacle, tellement c'est. éclaté? Les deux auteures et interprètes, Johanne Rodrigue et Jérémie Boudreault se sont littéralement plongées dans le tableau pour en ressortir toutes sortes d'interprétations, certaines fondées sur des recherches historiques, d'autres, de leur cru. Et à ce qu'on a pu voir hier, elles ne se sont dressées aucune limite! Peut-être qu'elles auraient dû cependant, ne serait-ce que pour rendre le tout un peu plus homogène malgré l'excentricité de la proposition. Ainsi, elles entreront dans les personnages des ménines du tableau, ces demoiselles d'honneur entourant la jeune infante, qui souffrent de faim et d'ennui. On verra entre autres le traitement qui était alors réservé aux «animaux domestiques», ici les naines qui étaient les servantes de plus bas étage. Une des deux demoiselles d'honneur s'en prendra donc farouchement à une naine – qui apparaît comme une marionnette à sa main et qu'elle maltraite allègrement. Tordu à souhait. Les deux comédiennes joueront d'autres personnages du tableau, tel la reine éplorée, la naine elle-même, le peintre Vélasquez et même l'infante Margarita qui déchiquète sa mère qui apparaît comme une poupée en papier: elle lui enlève la tête pour qu'elle arrête de penser, le ventre pour qu'elle arrête de souffrir (la reine avait connu presque autant de grossesses que de fausses couches!), les jambes, etc. Je vous avais dit que c'était un peu fou? Ces scènes étaient entrecoupées par des projections vidéo au rythme effrénée qui nous faisaient voir, par exemple, les deux comédiennes qui mangent, qui dansent, ou un théâtre de marionnettes miniatures, animées par elles. Ça donnait donc un spectacle hirsute, et si certaines scènes étaient d'un grand ludisme ou d'une grande excentricité, d'autres tombaient carrément dans le ridicule – si bien qu'on décrochait complètement de leur propos. Leur propos. quel était-il au juste? J'ai bien aimé l'idée de disséquer un tableau, mais sans doute il aurait été préférable de choisir un filon et de le suivre, que de partir dans toutes les directions en perdant le spectateur en cours de route. Un bon mot cependant pour la finale où elle refont toute la pièce en «rewind»: belle poésie de mise en scène.
Photo: Suzane O'Neill |