Marcel-Romain Thériault Photo: Maurice Arsenault |
Quelle belle façon de terminer un festival! La pièce Le Filet dans une production du Théâtre populaire d'Acadie a merveilleusement bouclé la boucle qui avait été entamée avec Le Chien, en ouverture. On a là deux pièces coups de poing, deux pièces actuelles où la testostérone règne et où la violence vient malheureusement à bout de tout. Dans le cas qui nous occupait hier, on a pu constater que l'auteur du Filet, Marcel-Romain Thériault, a réussi un coup de maître avec sa pièce basée sur un fait actuel qui secoue toujours l'Acadie aujourd'hui, c'est-à-dire la crise de l'industrie du crabe. Jamais il n'est tombé dans le sensationnalisme, ni le moralisme; cette histoire qu'il a voulu raconter sur son petit coin de pays avait plutôt des échos universels, puisque c'était d'abord le récit d'un conflit familial où les générations se confrontent. Le metteur en scène Michel Monty a privilégié une mise en scène tout ce qu'il y a de plus réaliste et a choisi un trio d'acteurs sans reproche. Bertrand Dugas maitrisait magnifiquement le rôle du grand-père, attaché à de vieilles valeurs et qui souhaite laisser en héritage le business familial au premier descendant de la lignée. Éric Butler de son côté était troublant dans son
Michel Monty Photo: André Panneton |
rôle de l'oncle, capitaine du crabier, qui n'est pas prêt de baisser les bras pour voir le petit jeune qui débarque de Montréal, lui voler sa place de pouvoir sur le bateau. Puis, le jeune et talentueux Alex Gravel était parfait dans son rôle du jeune idéaliste, alter-mondialisme qui revient de faire sept années d'études et qui n'en a rien à faire des plans machiavéliques de ses proches parents. Marcel-Romain nous réservera des surprises, mais il aura aussi le beau de nous donner toujours un peu de corde, de façon à ce qu'on voit, quelques minutes avant, ce qui attend ses personnages. Monty dans sa mise en scène, avec son réalisme redoutable, nous a permis de vivre avec intensité ce huis-clos prenant et virevoltant. C'est dans cette attention portée dans tous les petits détails qui nous faisaient plonger invariablement dans le moment : le bras handicapé du grand-père, les manies obsessives de l'oncle, la récupération du jeune prodige de son cauchemar en mer. Après plusieurs minutes encore, il se massera les bras, et se tiendra toujours au chaud, après avoir gelé sur l'eau! Bel effort aussi au niveau des accents qui de décale au fil des générations : le grand-père a un «thick accent», comme on dit dans la langue de Shakespeare, l'oncle a un accent un peu moins prononcé, et le jeune exilé a perdu de sa couleur locale, ne serait-ce que dans quelques mots le trahissant. Bref, une belle réussite que cette production du TPA, si bien que l'on souhaite qu'elle tourne le plus possible et qu'elle soit entendue chez elle, mais aussi un peu partout dans le pays. Cette histoire mérite d'être entendue et je souhaite que la pièce tourne chez elle, comme ailleurs au pays francophone. J'étais pour ma part ravie hier qu'on me l'ait racontée avec tant de savoir-faire! Chapeau encore une fois à toute l'équipe. Il reste une représentation finale ce soir au Festival Zones théâtrales: ne louper pas votre chance! À 20 h au Studio du CNA.
Photo: Maurice Arsenault |