Photo: Yanick MacDonald |
La pièce moitié-moitié de Daniel Keene dans une production des Lézards qui bougent (France) du Théâtre Complice (Montréal) et des Célébrants (Suisse) prenait l'affiche à La Nouvelle Scène la semaine dernière dans un accueil du Théâtre de la Vieille 17. J'ai pu assister à une représentation ce samedi soir dernier. Avec Kristian Frédric à la mise en scène, on pouvait s'attendre à un jeu d'acteurs fin et une mise en scène inventive. À ce titre, j'avais été médusée par son travail dans Big Shoot de Koffi Kwahulé où deux personnages se trouvaient dans une cage de verre à se menacer à mort à coups d'insanités langagières et physiques; tout cela sous le joug d'un pistolet.
moitié-moitié est en quelque sorte une suite logique pour ce metteur en scène français qui s'intéresse depuis longtemps au mythe d'Abel et Caïn. Ici, deux demi-frères que tout oppose se retrouvent dans la cuisine de la maison de banlieue appartenant à leur mère décédée. Le frère aîné qui avait déserté sans dire «au revoir» revient au bercail et se réapproprie son dû. Le plus jeune frêre, frèle, en est tout chamboulé et installe un dialogue rêche d'amour-haine entre eux deux. Le trouble de communication entre les deux hommes est au coeur de la pièce. Comment recoller les morceaux qui manquent à une existence marquée par un lien fraternel qui doit réapprendre à aimer? Keene répond quelque peu à cette question avec ses deux personnages singuliers et bien construits, joués ici par deux comédiens de talent conscients de leur corps: Denis Lavalou et Cédric Donier. La cuisine crasseuse où ils se retrouvent est à l'image de leur mal d'être. Et au milieu de cette désolation naîtra l'espoir dans le travail, dans la création. Le frère ainé commence à creuser à même le plancher de la cuisine un jardin. Belle poésie qui naîtra au milieu de la crasse et qui servira à des fins dont je ne vous dévoilerai rien ici, en souhaitant que vous puissiez encore voir la production (si elle revient en tournée?!).
En somme, une pièce touchante qui nous transporte dans des sentiers inattendus avec des acteurs impecc' et une mise en scène ingénieuse: wow, ce décor qui se tranforme! Les deux personnages se trouveront ainsi, de la cuisine crasseuse où pousse un jardin, au fossé les séparant du monde entier, pour aboutir sur une île: l'île d'Abel et Caïn. Or, Abel et Caïn ont ici réappris à aimer.
Photo: Yanick MacDonald |