© Angelo_Barsetti
Lundi soir dernier, Wajdi Mouawad, le nouveau directeur artistique du Théâtre français du CNA se présentait devant les membres de la presse et du public pour présenter sa première saison théâtrale. «Nous sommes en guerre», sont les quatre mots arborant la saison 2008-2009.
Voici les mots qu'il a choisi pour en expliquer son interprétation: «C'est une invitation à entendre que nous sommes des êtres actifs, nous ne sommes pas des êtes passifs. On peut changer nos vies. Ce n'est pas vrai que l'on ne peut rien faire. "Tout n'est pas perdu". Ç'aurait pu être aussi ça la phrase. On peut vivre autrement qu'en vivant replié sur soi. C'est une invitation à la rencontre, mais pour ça on sait combien il faut se battre parce que le monde qui nous entoure nous convainc que le matériel donne le bonheur, que le privé doit être la chose la plus importante, que ce qui est loin est dangereux. C'est un appel à l'éveil. Je sais que le mot «guerre» est un mot complexe, mais en même temps, c'est ça les artistes. Ce sont des êtres dangereux. On ne sait pas à quoi s'attendre avec eux et c'est ça qui est beau.»
«Ce que j'avais envie de vous dire aussi c'est quand vous venez au théâtre, essayez de ne pas vous rassurer. Essayer d'avoir peur. Parce que l'artiste quand il a créé le spectacle a eu très peur. Je vous dis ça pour vous dire que moi je ne chercherai pas à vous rassurer…»
Après avoir présenté les 16 spectacles de sa saison (détails au bas de ce billet), Wajdi a invité les spectateurs a trempé sa main dans la peinture pour ensuite faire une empreinte sur un grand tableau disposé à cette fin. Faire empreinte… Une chose est certaine, Wajdi vient tout juste d'entrer en poste et déjà il a apposé son empreinte sur le Théâtre français du CNA, transformant les façons de faire pour que tout soit cohérent…
Le mardi matin, j'ai eu la chance de poser quelques questions à M. Mouawad pendant quelques minutes, pour parler notamment de ses projets à plus long terme et de sa vision.
Une première rencontre l'an dernier m'avait permis d'apprendre de sa bouche qu'il caressait un grand rêve depuis longtemps et que ce nouveau mandat au CNA serait peut-être enfin l'occasion de le réaliser – bien qu'il craignait de manquer de temps…
J'ai demandé à M. Mouawad si ce rêve se concrétisait…
Voici ce qu'il ma répondu:
«Oui et non. Je vais y arriver, mais je ne l'ai pas encore commencé. Pendant les 4 ans où je vais être là à partir de la saison prochaine, je vais commencer à travailler sur la création des sept tragédies de Sophocle avec la même équipe de comédiens, de concepteurs, le même traducteur. Sophocle a écrit sept pièces et on peut les décliner en trilogies. Il y a la trilogie de Thèbes, Œdipe Roi, Œdipe à Colone et Antigone.. Il y a la trilogie de la Guerre de Troie, Ajax, Philoctète et Électre, et, la plus belle, la trilogie des femmes, Électre, Les Trachiniennes et Antigone. Ça c'est exceptionnel! Donc, je pense que je vais commencer justement par la trilogie des femmes. Ça sera présenté dans un premier temps sous forme de trilogie où on verra les trois pièces dans un spectacle de 4 heures environ. Et ce que j'aimerais, c'est qu'à la fin, quand j'aurai monté les sept pièces, faire un événement qui ne s'est jamais déroulé dans l'histoire du théâtre, c'est à dire qu'un spectateur puisse assister aux sept tragédies d'un coup, en une soirée. Puis faire ça dans la capitale nationale, en raison de toutes les questions traitant d'une cité: comment on dirige une cité, comment une cité s'écroule, comment une cité se rebâtit? Pourquoi elle s'écroule, pourquoi elle se rebâtit? Qu'est-ce que la justice, qu'est-ce que la démocratie, qu'est-ce que la loi, qu'est-ce que le crime?…»
«Ce sera un événement. Évidemment, ça se prépare et se présente en disant aux gens: venez vivre quelque chose de bien particulier. Ça peut se faire pendant la journée, pendant la soirée, pendant la nuit….»
Voici le résumé de la saison 08-09 tel que rédigé par mon collègue Christian Saint-Pierre:
"La saison s'ouvre avec Manifeste!, quatre soirées distinctes qui, de façon virulente et festive, rendront hommage à d'importants manifestes d'hier et d'aujourd'hui. On pense notamment à Mai 68 et à Refus Global. Gary Boudreault dirige ces soirées mettant en vedette Martine Beaulne, Vincent Bilodeau, Alexis Martin et quelques autres. En octobre, Mouawad présente Seuls, un solo créée en mars dernier en France. On dit du spectacle, qui sera d'abord présenté au Théâtre d'Aujourd'hui, à Montréal, du 9 septembre au 4 octobre, qu'il est à la fois intime et polyphonique, qu'il navigue entre conscience et inconscience, qu'il fait se côtoyer parole et performance. Fin octobre, Andrée Lachapelle et Roger La Rue sont Winnie et Willie, les protagonistes de Oh les beaux jours de Samuel Beckett. À la mise en scène, nul autre qu'André Brassard. Un production d'Espace Go qu'on attend avec impatience. En novembre, le Théâtre Le Clou reprend Au moment de sa disparition, une pièce de Jean-Frédéric Messier mise en scène en 2001 par Benoît Vermeulen. Un théâtre qui pose, aux adolescents comme aux adultes, de douloureuses questions sur le sens de la vie. En décembre, le Trident, de Québec, débarque avec Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand. Marie Gignac, qui a crée ce spectacle en mars dernier, a confié le rôle-titre à Hugues Frenette.
En janvier, Mouawad a l'audace d'inviter le Polonais Krzysztof Warlikowski, l'un des metteurs en scène contemporains les plus inventifs, à présenter Krum, une pièce de l'auteur israélien Hanokh Levin. Cette production, une exclusivité nord-américaine, sera présentée en polonais avec des surtitres français et anglais. Rappelons qu'au FTA, en 2003, Warlikowski avait grandement ému en présentant sa relecture de Purifiés, la pièce de Sarah Kane. En mars, le Théâtre PÀP fait un passage avec Je voudrais me déposer la tête, un texte de Jonathan Harnois mis en scène en 2007 par Claude Poissant. Le récit, empreint de poésie, évoque le désespoir d'un jeune homme de vingt ans, Ludo, atterré par le suicide de son meilleur ami, Félix. En mars toujours, Robert Lepage débarque avec Le Dragon bleu, une pièce qu'il a écrite avec Marie Michaud. La production d'Ex Machina offre une suite inespérée à la fameuse Trilogie des dragons. Rappelons que cette nouvelle création, très attendue, sera au Théâtre du Nouveau Monde du 21 avril au 16 mai. En avril, Marie Brassard dévoile L'Invisible, un nouveau projet de création s'articulant autour de la disparition et de l'apparition. Ce solo sera présenté cet été, à Montréal, dans le cadre du FTA. En mai, on propose une autre exclusivité nord-américaine: Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, un nouveau texte de Mouawad sur les événements qui ont présidés à la fondation de la ville de Thèbes. La mise en scène est signée Dominique Pitoiset, directeur du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine."
Plus d'infos à www.nac-cna.ca/tf