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Magistrale Pite

La chorégraphe vancouvéroise Crystal Pite a littéralement ébloui le public ottavien jeudi dernier avec un programme mixte présenté en première mondiale.

D'entrée de jeu, la pièce de 18 minutes A Picture of You Falling réunit le danseur Peter Chu et (ô joie!) Anne Plamondon. Des spots de lumière entoure la scène, lui conférant un climat de lieu sous observation. "This is your voice", dit une voix. "Here you are again", "Welcome back", "Here you are again and again and again and again…", répète-t-elle. Les deux interprètes amorcent une chorégraphie où deux êtres entre soudainement en collision lors d'une simple ballade dans la rue. S'ensuit les effets de ce hasard sur les deux individus et leur environnement. Les effets de cette collision, … si bien qu'on aurait très bien pu renommer la pièce "L'accident". Puisqu'il sera question de la chute d'un des êtres. Deux solos brillamment exécutés nous éblouit. C'est suivi de plusieurs séquences à deux où on apprécie la signature chorégraphique de Pite, si "parlante". Les spots de lumière se mettront en mouvement d'une partie de la scène à une autre, contribuant à réanimer, à jeter la lumière sur cet espace de la collision, avant que tout ne s'efface et disparaisse. De loin la pièce que j'ai préféré jusqu'à maintenant au FDC!

Suivra Decembering, une pièce de 12 minutes que Pite a créé en 2001 et qu'elle interprète elle-même. Des lumières blafardes s'ouvrent sur scène alors qu'une créature animale étrange, probablement un faune, peine à traîner des branches blanches jusqu'à un amas de ce même bois (serait-ce un nid? un refuge?). Les gestes lents laissent à imaginer que cette tâche est délicate, exigeante. Les lumières ferment et rouvrent sur Pite démasquée qui exécutera une danse fragmentée, en saccades sous l'effet du stroboscope. Ce jeu perdura et la créature de la nuit, étrange et lumineuse, reviendra pour être à nouveau démasqué. Beau et éminemment poétique.

La troisième pièce, Fault, ramène Peter Chu, Anne Plamondon et Crystal Pite sur scène, auxquels s'ajoute Éric Beauchesne. La levée de rideaux dévoile un décor chargé évoquant une ville imaginaire… Un phare lumineux promène ses yeux sur la scène à la recherche d'un coupable, d'un fautif, d'une brute dans cette ville décimée. Des individus drapés de noir fuient ces yeux qui semblent appartenir à un hélicoptère muet. Puis, ça vibre, ça brasse et les petites maisons de carton posées sur scène tombent une après l'autre. Une femme (prodigieuse Anne Plamondon) en émerge et scrute le lieu désert. Puis, dans un élan de liberté soudaine, exécute une danse exubérante, exaltante, vibrante de vie! Une corde noire tombera du plafond. Les créatures noires l'inciteront à ne pas tirer dessus, mais elle ne pourra résister. Voilà que tout ce qui tenait encore debout dans ce lieu morbide s'écroule avec fracas. Les créatures noires réapparaitront et lui feront découvrir l'horreur des lieux qu'elle apercevra par une fenêtre de décombres. Pendant ce temps, des noms de villes associées à des dates seront énumérés. Serait-ce l'année d'importants attentats dans ces villes? l'année du début d'une guerre? Peut-être. La guerre a toujours été un sujet important dans l'œuvre de Pite comme en témoignait Lost Action. Bien que très cinématographique (rappelant l'esthétique des The Day After Tomorrow et autres films du genre), la pièce est tout de même nébuleuse. Elle ouvre néanmoins une nouvelle porte dans l'univers chorégraphique de Pite: on sent qu'elle a osé davantage et, ma foi, elle a certes encore beaucoup à offrir/dire dans cette même veine! Je ne me tannerai certes pas à courir vers les prochains spectacles de Kidd Pivot pour me retrouver au palpitant royaume de Pite!