© Joan Marcus
La mégaproduction américaine Wicked a pris l'affiche à la salle Southam du CNA mercredi dernier pour se prolonger jusqu'au 31 août. La comédie musicale produite par Universal Pictures propose une facette jusqu'alors inexplorée du pays d'Oz à savoir la véritable histoire des deux sorcières avant que Dorothée ne débarque et chamboule tout! À ce titre, toutes les ficelles que l'on pourrait rattacher au Magicien d'Oz, ce classique de 1900 écrit par L. Frank Baum sont brillamment liées.
Dans la première partie longuette, on se retrouve à l'université où Elphaba, jeune fille brillante et pourvue de véritables pouvoirs qui subit l'humiliation en raison de son apparence (elle est verte!) et Galinda, belle, populaire et ambitieuse étudiante qui se voient contraintes de partager une même chambre. Une amitié impromptue se développe entre elles deux, qui mènera leur route vers la Cité d'émeraude où Elphaba pourra enfin rencontrer le Magicien d'Oz espérant ainsi se voir libérer de son triste sort. Bien entendu, les choses ne se déroulent pas comme elles l'avaient imaginé… Dans la deuxième partie, les deux amies prennent irrémédiablement des chemins différents, avec des histoires de cœur, de courage et de principes.
Tel qu'escompté venant d'une production de 14 millions $ tout droit sorti de Broadway, le spectacle est, disons, propret. Tout est roulé au quart de tour, les costumes sont spectaculaires, le décor, fabuleux et les interprètes, impeccables. Rien ne dépasse et on est dans la guimauve et le crémage bien épais. Ce qui s'avère rafraîchissant par contre, c'est l'humour du texte qui donne dans la caricature et parfois même le cynisme (surtout avec le personnage d'Elphaba interprété avec brio par Carmen Cusack). On reconnaît là la plume acérée de Winnie Holzman (My So-Called Life) qui connaît bien les aléas de l'adolescence et de la découverte de soi. C'est spécialement réjouissant dans le personnage de Glinda (joué par une pétillante Katie Rose Clarke) qui faisait parfois penser aux personnages d'une Amy Poehler de Saturday Night Live à la manière qu'elle a de sautiller et de s'exciter comme si elle avait un ressort coincé dans le popotin… Bref, un humour de la mimique bien new-yorkais… À ce titre, j'ai trouvé le livret de Holzman beaucoup plus intéressant que les paroles des chansons (signées Stephen Schwartz) parfois plus simplistes… Mais, n'est-ce pas un peu la recette des comédies musicales ? Des paroles simples, accrocheuses et faciles à retenir? En revanche, la partition de Wayne Cilento – interprétée en direct par un orchestre – est digne des plus grandes comédies musicales ayant fait courir le monde sur Broadway Avenue.
Autrement, il est réjouissant de distinguer le second niveau de lecture d'une telle histoire… On y effleure quelques questions politiques, en dénonçant notamment la dictature (ah, cet imposteur de Magicien d'Oz!) et les climats de peur dans lesquels on plonge les sociétés de manière à les manipuler. On aborde aussi largement les questions raciales et de l'acceptation de la différence. On constate en outre que la production a profité de la couleur verdâtre d'un des personnages pour lancer un message écolo sur son site Internet dans la section interactive Green. For Good: www.wickedthemusical.com
Bref, une production qui donne dans le conte de fées, certes, mais qu'on a su adapter au goût du jour. En terminant, je vous fais une prédiction: une fois le musical épuisé, je mettrais ma main au feu que cette production fera l'objet d'une adaptation cinématographique! L'histoire imaginée est du bonbon cinématographique! Espérons seulement que les producteurs auront le bon goût de faire un film pour enfants bien foutu et qu'ils n'essaieront pas de faire une version «adulte»! Les enfants devraient être les premiers visés, mais le second degré de lecture se fera tout naturellement comme dans les Harry Potter, Shrek et autres. À suivre donc… En attendant, délectez vous du gros gâteau sucré et coloré bien que tout de même équilibré présenté jusqu'au 31 août à la salle Southam du CNA. www.nac-cna.ca