BloguesPop Culture Gatineau

Oh les beaux jours ou la lente agonie de Winnie…

 

Photo © Marlène Gélineau Payette

Elle nous apparaît d'abord assoupie sur sa montagne bleue azur. Au signal d'une alarme – de celles qui devaient briser le silence dans les camps de concentration -, elle s'éveille. Et la voilà partie pour une autre journée magnifique, avec son rituel étudié au quart de tour. Winnie est à demi enfouie, sous un soleil ardent, dans cette charpente hostile où loge aussi son mari, le fragile et peu loquace Willie. Ayant perdu l'usage de ses jambes, elle s'émerveille tout de même aux petits plaisirs de la vie, tels que le peu de mots proférés par Willie, mais aussi le réconfort que lui procurent les objets qu'elle sort un à un de son sac – comme autant de vestiges d'une vie passée. Elle prend le temps de faire sa toilette, de se faire belle, de commenter son quotidien. «Quel beau jour, ça va être!», répète-t-elle incessamment.

La pièce Oh les beaux jours de Samuel Beckett, ici mise en scène par André Brassard, traite du dépérissement de l'être humain, à travers les yeux emplis d'espoir et de candeur de Winnie, interprétée avec majesté par Andrée Lachapelle. Comme dans la pièce En attendant Godot du même auteur, le facteur temps est clef dans la pièce. On joue à la fois sur la lenteur des minutes qui s'égrainent, mais aussi sur la vitesse à laquelle la vie nous file entre les doigts. Au final, Oh les beaux jours se divise en deux tableaux. Au second, Winnie se trouvera enfouie jusqu'au cou dans ce qui s'annonce comme sa fatale agonie… Mais, au fond, la pièce se déroule telle une longue journée dans la vie de Winnie qui la célébrera enfin en chantant sa vieille chanson, La vie en rose. «Le vieux style», répète-t-elle souvent pour évoquer ces années de bonheur derrière elle…

Quel brio d'avoir choisi de fondre cette grande Winnie dans ce vallon de sable bleu. Quelle prouesse que le jeu d'Andrée Lachapelle, plus belle et profonde que jamais! – soutenue par le rôle peu bavard de Willie qu'on confié à Roger La Rue. Un beau témoignage que celui de Winnie, qui a choisi de voir le verre d'eau de la vie à moitié remplie et non à moitié vide. Belle leçon de courage et d'optimisme. Si les dernières pages de la vie de Winnie paraissent plus longues que les précédentes, c'est un peu pour qu'on attende, avec elle, avec patience et quiétude, que le soleil se couche enfin.