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Grincements et autres bruits: densité verbiale

Centième production du Théâtre du Trillium, la pièce Grincements et autres bruits du dramaturge belge Paul Emond est à l'affiche à La Nouvelle Scène d'Ottawa jusqu'au 15 novembre. Anne-Marie White, récemment nommée directrice artistique de la compagnie théâtrale, en assure la mise en scène.

Un décor léché et fort attrayant est déjà sous les projecteurs à l'arrivée des spectateurs. Trois personnages sont assis sur un banc côté jardin et observent avec curiosité une femme assise dans un parc. Après quelques minutes de fixation, un homme s'approche lentement d'elle et entame une discussion. Celui-ci déteste les canards, se plaît à observer minutieusement tout ce qui respire et évite de penser. Elle, collectionne les hommes, se fait aisément manipulé et a la manie de faire semblant de lire des livres… Tous deux échangeront quelques mots et puis s'en vont. Et ainsi va le spectacle. Les deux couples – homme et femme – alternant pour présenter une bulle, un soupçon de leurs vies croisées, déchirées, brisées. Après cette scène impromptue dans le parc; l'autre couple s'avance et commence à laver frénétiquement des cuillers. Ils sont en pleine crise: ur fille a quitté leur gendre adoré, adulé. Suivra une vraie scène de ménage dans un grand lit où le fantôme de dernier mari de madame viendra hanter leur sommeil pincé… Puis, on verra le quotidien d'un couple dont la femme est absorbée par son soap préféré alors que son mari vit une véritable crise d'identité et de jalousie.

Tous ces tableaux, sans exception, font preuve d'une grande inventivité au niveau de la mise en scène. Les comédiens – les toujours aussi efficaces Sasha Dominique, Maxine Turcotte et Marc-André Charette, mais aussi le moins connu Jean-Michel Le Gal – agréable surprise. Anne-Marie White a réussi à capter l'absurde et la folie du texte en tortillant quelque peu les faits et gestes de ses personnages. Entre les tableaux, le changement de costumes et de personnages se fait quasi au ralenti alors que les personnages se regardent avec intérêt, comme s'ils passaient entre deux mondes, l'espace d'un instant. L'entre deux-mondes serait ici le laboratoire qui montre le couple dans ses plus laids atours..

Si tous ces premiers tableaux étaient réussis, donc, le dernier ne marqua pas autant de points. Cette dernière scène est faite d'un ramassis de paroles échangées entre quatre personnes qui prennent des grands airs. Ils placotent, potinent, critiquent, radotent… Plutôt que de donner corps à ces personnages, on a choisi d'enregistrer ce texte récité par les comédiens à basse voix. Pendant ce temps, les quatre comédiens vont chercher de grands mannequins qui rappellent des statues de marbre, qui iront prendre la place qu'occupaient les personnages des quatre tableaux. Ils évoquent d'une manière fort symbolique l'absence/présence de ces êtres dans leur essence. Dans cette scène, le texte récité est complètement éclipsé par la proposition scénique si absorbante et symbolique…

Malgré cette finale moins éclatante, la production révèle une fois de plus l'inventivité d'une metteure en scène qui n'a pas fini de nous surprendre.