La pièce Hippocampe écrite par Pascal Brullemans, en collaboration avec le metteur en scène Éric Jean est présentée jusqu'à samedi au Théâtre français du CNA. Pure jouissance que ce spectacle né en 2002 après que Wajdi Mouawad eut donné carte blanche à Éric Jean alors qu'il dirigeait le Quat'sous. Le spectacle aura connu trois versions. La voici dans la plus aboutie. Il est d'abord fascinant d'apprendre qu'avant qu'il y ait une histoire à raconter, il y a eu un décor: un sous-sol, un escalier y menant. Un piano, un lit, un porte-manteau. Un tableau de Salvator Dali au mur. De la tapisserie très sixties. La couleur rouge écarlate, omniprésente. Avant même d'y avoir un récit donc, il y avait aussi la musique de Leonard Cohen et le film Mulholland Drive de David Lynch comme sources d'inspiration. Puis, la distribution a été assemblée. Éric Jean les a fait improviser jusqu'à l'épuisement. L'auteur, Pascal Brullemans, devait écrire à partir de tout cela. En échangeant idées, tempêtes, orages. On nage dans le vague…
Puis, une histoire a émergée. Les comédiens ont plongés encore plus profondément. En résulte une pièce bougrement divertissante qui allie folie passagère, onirisme, poésie… Les personnages défilent dans l'appartement et on voyage dans le temps: hier, un cabaret clandestin, aujourd'hui, l'appartement d'un homme qui prend soin de sa mère. Le présent est visité par les fantômes du passé… Le spectateur nage aussi dans des eaux troubles et puis voilà, tout devient plus clair! Le voyage jusqu'à la surface est un véritable festin scénique. La mise en scène est si inventive qu'on en gigote sur notre siège de contentement – ces pieds et ces mains qui apparaissent un peu partout dans le décor… ces rondes fantomatiques de certains personnages, l'usage des multiples portes, etc. Les comédiens sont tous impeccables et bien investis dans leur personnage. On aurait envie de mettre le décor dans un musée… Un festin, que je vous dis!
Photo © Yanick MacDonald