Le diable est dans les détails, me disait Mélanie Demers l’autre fois au téléphone avant de venir présenter sa pièce Sauver sa peau à la Rotonde, alors qu’elle était à peaufiner une chorégraphie qui a été créée il y a plus d’un an maintenant. Comme quoi l’art chorégraphique est, comme les autres, un art en perpétuel mouvement, jamais arrêté, toujours à perfectionner, à retoucher, à requestionner…
Hier à la Rotonde, le public a pu assister à une première pleine de promesses avec Chaudières, déplacements et paysages, une première création du danseur de Québec Alan Lake. Une œuvre foisonnante, remplie, débordante même, à l’esthétique étrange et sublime.
La force d’Alan est sans contredit son esthétique. Issu du milieu des arts visuels, il sait comment happer l’oeil; il a su créer un univers onirique, rempli de chimères, de muses quelque peu dépravées au regard inquiétant et frondeur, douces et agressives en même temps. Le court-métrage présenté en hors-d’œuvre était tout simplement magnifique, suspendu, comme un rêve éveillé, et avait la qualité de présenter en concentré le propos de la pièce.
Malheureusement, force est de constater que cette œuvre créée en seulement six semaines aura besoin d’un peu plus de temps pour arriver à maturation. Si on ne peut reprocher à Alan de manquer d’idées – il semble plutôt avoir une imagination foisonnante – il gagnerait à concentrer celles-ci en bloc plus percutants, à épurer quelque peu son propos, ce qu’il a fait en introduction et en finale de sa pièce, moments extrêmement forts où l’étrangeté des images était exploitée à son maximum.
Je serais bien curieuse de voir comment l’interprétation évoluera au cours des deux semaines à venir. Elle restait hier un peu figée, comme si les interprètes ne s’étaient pas tout à fait appropriées la gestuelle et étaient plus dans leurs têtes que dans leurs corps, plus dans le cérébral que dans le senti. Si la première partie de la chorégraphie a semblé leur donner plus de fil à retordre, avec des passages assez complexes d’enchaînements impliquant plusieurs corps, elles ont trouvé à mi-chemin plus d’inspiration, de souffle et d’aise dans leurs mouvements.
Oui, le diable est dans les détails, comme cette danseuse qui portait des bas troués et auxquels mon attention n’arrêtait pas de revenir, comme happée par ce détail futile, alors que les petits trous grandissaient de minutes en minutes, dégarnissant les orteils. Un détail anodin, qui parfois est assez pour détourner l’attention du spectateur de l’essentiel…
Sans contredit, Alan Lake est un artiste à surveiller; malgré ses quelques défauts qui sont en grande partie attribuable au temps de gestation, il a présenté une œuvre singulière, fortement personnelle, montrant qu’il a déjà une identité de créateur bien affirmée. À suivre…
Présenté au Grand studio de la Rotonde les 20, 21, 25, 26, 27, 28 février, ainsi que le 1er mars.