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Grande théorie unifiée: trop fort!

Voilà peut-être un spectacle qui ne fera pas l'unanimité chez les puristes et ceux qui considèrent que la discipline de la danse est à considérer dans un cadre bien précis. Pour tous les autres, avides de découvertes et qui aiment se faire déstabiliser, pour les curieux et ceux qui ne se prennent pas au sérieux, et même (surtout!) si la danse n'est pas votre dada, Grande théorie unifiée risque de faire mouche.

 Danseurs et techniciens sont réunis dans la même arène. / photo: Frank Desgagnés

Le chorégraphe Martin Bélanger avait comme ambition de convoquer dans son "arène" toutes les manifestations possibles du corps, dans un grand rassemblement où se rencontrent sans filtre danse et musique, avec un but affirmé: avoir du plaisir. On peut dire que c'est mission accomplie et pari tenu pour l'artiste à la tête de la compagnie Productions Laps, qu'il a lui-même fondée. Sur fond sonore de musiques d'horizons divers (rock, opéra, electro, pop), on en voit de toutes les couleurs. De l'aérobie à l'acrobatie, de la parole – dite ou chantée –  à la gestuelle – automatique, impulsive, bestiale ou celle réglée au quart de tour de la danse contemporaine – tout cela est passé au malaxeur sans retenue aucune.

 Un drôle de stip-tease style "machine à laver" / photo: Frank Desgagnés

Cela donne des moments savoureux versant joyeusement dans une énergie débridée et parfois frénétique – mais qu'on sent délibérée, comme si rien n'était laissé au hasard malgré les apparences de fouillis -, comme lorsque les interprètes, à tour de rôle, essaie de tenir sur un ballon de pilates à l'aide d'une corde suspendue au plafond ou lorsqu'il débarquent, lors de la scène finale, accoutrés de plusieurs couches de vêtements disparates pour faire vivre un des strip-tease les plus déjantés qu'il vous aura été donné de voir. Les interventions teintées d'ironie de la performeuse Julie Andrée T. et celles des interprètes, qui prennent tour à tour le micro, ajoutent au plaisir de la chose, alors que chacun commente ce qui se passe sur scène ou tente d'expliquer à sa façon le monde dans lequel nous vivons, sans aucune censure.

 "C'est le moment d'une chanson triste", nous dit Martin Bélanger qui se permet même un petit tour de chant assez rigolo par-dessus une pièce d'Antony and the Johnsons. / photo: Frank Desgagnés

Le contact est direct, palpable; on a vraiment l'impression d'être dans le moment présent, avec les interprètes et techniciens, d'autant plus que les estrades sont disposées de part et d'autre de la scène, le public se faisant face. Un peu plus et on irait les rejoindre sur scène. Bélanger me parlait en entrevue de l'importance pour lui du moment présent du spectacle, qui n'est pas désincarné de sa représentation mais vit là, à un moment précis. Là encore, c'est tout à fait réussi.

On sort de Grande théorie unifiée avec un sentiment de liberté, comme contaminés par cette liberté sans limite que s'est octroyée le chorégraphe pour nous montrer, à sa façon, que les seules limites qui existent sont celles que nous créons.

Chapeau!

La pièce est présentée ce soir et demain (25 et 26 sept à 20h) à la Salle Multi. Vous pouvez lire mon entrevue avec Martin Bélanger ici.