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Farfadet’s Last Round: intense!

 photo: Guillaume D. Cyr

C'est hier à La Rotonde qu'a été présentée la première de Farfadet's Last Round, un duo de duos mettant en vedette deux danseurs de Québec, Brice Noeser et Isabelle Gagnon. Le premier duo, Brutus et sabulle, est une création de Noeser, qui signe ici sa première oeuvre chorégraphique, tandis que Anatole and Ulkira, The passion of four arms, de la chorégraphe torontoise Sharon Moore, était présenté en deuxième partie.

Autant le dire tout de suite, cette succession de duos, même si elle comportait plusieurs éléments intéressants, n'a pas soulevé chez moi un enthousiasme délirant, notamment en ce qui concerne le duo chorégraphié par Brice Noeser. Très courte (à peine 20 min.), cette pièce m'a semblé esquisser des avenues prometteuses sans toutefois s'y engager totalement. L'idée de base, c'est-à-dire deux êtres qui se regardent et se jaugent dans un jeu de rapprochements/éloignements, ainsi que quelques passages vers la fin de la pièce où les corps Noeser et Gagnon s'entremêlent dans une mécanique organique bien pensée m'ont plu, mais le début de la pièce a peiné à retenir mon attention, comme si on tardait à entrer dans le vif du sujet. Car c'est vraiment au moment où les deux corps entrent en contact que se trouve, selon moi, l'intérêt du propos. Cependant, cette petite faiblesse est compensée par l'interprétation de Noeser et Gagnon, dont les physionomies contraires (Noeser est très grand et Gagnon, toute menue) donnent lieu à des trouvailles ingénieuses. Et n'oublions pas qu'il s'agit d'une première création pour Noeser, qui impressionne notamment par sa gestuelle très désarticulée, qui sied à merveille la physionomie unique du danseur.

C'est d'ailleurs du côté de l'interprétation que se situe la grande force de ce diptyque de duos, notamment dans la pièce de Moore, qui est très intense, autant pour les spectateurs que pour les interprètes. On dit ces temps-ci que la danse se porte bien à Québec; nul doute que c'est en partie grâce aux interprètes de grand talent qui évoluent ici et ce, non seulement au niveau technique mais aussi en ce qui concerne l'implication émotive et le fait que ces derniers n'ont pas peur de franchir les barrières et de s'aventurer sur des terrains inconnus. Noeser et Gagnon ont sans contredit montré hier qu'ils sont capables d'une grande maîtrise de leur art et qu'ils n'ont pas eu peur d'entrer à fond dans le propos de Anatole et Ulrika.

 photo: Guillaume D. Cyr

Présentée comme "un homme et une femme qui cherchent un moyen de communiquer la vaste et souvent inégale expression de leur enchantement", cette pièce de Moore – qui dit travailler avec le matériau premier de l'émotion, peu importe la discipline, ce qu'elle nous a bien prouvé hier soir – illustre à merveille une passion déchirante, brutale, sexuelle, douloureuse et jouissive entre deux êtres qui semblent aimantés l'un à l'autre. S'abandonnant parfois à cet état, ou le combattant, ils s'engagent dans un véritable duel qui les consomme à mesure que les minutes avancent. Nul doute que cette pièce demande un fort niveau d'implication, autant émotionnelle que physique, aux deux danseurs, qui sont amenés à se toucher, s'embrasser, lutter, crier… et ce fut totalement réussi. On y croit, à cette passion dévorante qui les crochète l'un à l'autre, pour le meilleur et pour le pire.

Bref, deux pièces peut-être inégales mais où l'intensité est définitivement au rendez-vous. À voir au Grand Studio de La Rotonde ce soir, demain et également du 21 au 24 octobre.