Les Midis du monde
Ré-inaugurée l'année dernière sur la grande esplanade devant la Salle Wilfrid-Pelletier, l'opération Les Midis du monde est une activité estivale destinée à meubler, sur une toile de fond à motifs culturels, le repas du midi des gens du centre-ville. Trois fois par semaine, donc, les gens qui sont enfermés à longueur de journée dans les tours du Complexe Desjardins, de Guy-Favreau et d'Hydro-Québec viennent s'étaler au soleil – quand il y en a – pour déguster leurs salades et leurs paninis au son dépaysant d'un interlude à saveur exotique.
Organisateur d'activités à la PDA depuis neuf ans, Robert Maltais, l'heureux initiateur du concours Ma première Place des Arts, revendique aussi la paternité de cet événement et avoue son désir maladif d'aller jouer dehors: "C'est mon bébé! clame-t-il tout fier. La première édition avait eu lieu en 97 sauf que, peu après, j'ai tout quitté, je suis parti en Bourgogne dans un monastère. Mais je suis un homme qui vit les portes ouvertes; alors sitôt qu'il y a une occasion d'aller mettre le nez à l'extérieur, j'y retourne." Mais, entre vous et moi, avait-on vraiment besoin d'un autre festival? "Tu sors de ton bureau à l'heure du lunch, répond Maltais sur le ton d'un prestidigitateur, et tu te retrouves au Sénégal. Deux jours plus tard, en Ukraine. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui offre ça? Ce que je demande aux groupes, c'est de venir jouer ce qu'ils jouent dans leur pays quand c'est le temps de faire la fête. Voilà le principe. C'est complètement gratuit pour le public. Et c'est un succès! Trop de festivals? Y aurait-il trop de médecins ou trop de musique?"
Vendredi dernier, quand je suis passé voir, c'était au tour de Bagg Street, un authentique groupe klezmer de Montréal, d'animer le lunch break. Les orteils au soleil, installés autour de la grande piscine encore vide, plus d'un millier de citadins rêvassaient, paisibles, au grand air pendant que, devant l'estrade, une ronde improvisée de femmes multicolores dansait devant le band. La ribambelle fut bientôt prise à l'abordage par quelques mâles plus guillerets pendant que, plus loin, un responsable de la sécurité gobait ses sushis. Signe que le rêve de Maltais a du bon. Et un jour pousse l'autre. Lundi midi: trop de vent. La prestation du groupe Jab Jab de Trinidad est remise au lendemain. Au menu des prochains rendez-vous: Cuba, Congo, les Celtes d'Agincourt – ce qui peut paraître encore plus exotique, voire inusité -, des musiques venues d'aussi loin que les Balkans ou l'Afghanistan.
"Nous avons auditionné 67 groupes et nous aurions dû en prendre plus que neuf, affirme encore l'organisateur. La plupart ne sont pas connus, comme on dit, et n'ont pas l'habitude de jouer dans des conditions optimales. Là, ils ont le respect. Ils sont bien payés. Notre sonorisateur, c'est Charles Éthier, qui fait le tour du monde avec Garou. Pour certains, c'est la première fois qu'ils s'entendent bien sur scène. Alors, la joie s'installe, la performance dépasse nos attentes et le public embarque!" Le monde heureux, c'est aussi simple que ça. (Ralph Boncy)
Prince Paul
Prince Paul rit jaune. Après avoir coupé les ponts avec son label de longue date, Tommy Boy, le plus caustique des producteurs, s'attaque avec toute l'ironie qu'on lui connaît aux nouvelles valeurs de ce qu'il appelle le "hip pop" avec vengeance. À l'heure où le mouvement est nivelé par le bas, notre homme ne voit d'autre solution que de s'enfoncer plus profondément dans l'underground, autrefois célébré pour son courage et son originalité, et de signaler tous les maux engendrés par la surcommercialisation du genre. Avec son plus récent album, Politics of the Business, Paul Huston tente sarcastiquement d'intégrer les rangs qu'il dénonce avec un résultat plus ou moins convaincant. Mais restons optimistes: ce pionnier musical a sûrement encore un ou deux albums révolutionnaires devant lui – comme il l'avait laissé entrevoir avec son précédent, Prince Amongst Thieves – et espérons qu'il saura remettre les pendules à l'heure pendant qu'il en est encore temps. En spectacle le 13 juin au Club Soda. (Richard Lafrance)