Le premier tome de Motel Galactic avait nécessité chez certains chroniqueurs littéraires l’invention d’un nouveau qualificatif : « science-fiction du terroir ». Et je dois bien avouer que cette dénomination me fait sourire, en même temps qu’elle décrit bien l’univers proposé par ses auteurs, Francis Desharnais et Pierre Bouchard. On se trouve dans l’espace. Dans le futur. Et on parle joual. Et la culture québécoise se fait, d’une planète à l’autre, prédominante. Dans ses qualités comme dans ses travers.
En fait, pour certains, Motel Galactic c’était L’Île-aux-Ours (une BD réussie de Pierre Bouchard parue chez Mécanique générale), mais dans l’espace. Et, qui sait, c’était peut-être là aussi la volonté de ses auteurs : sortir de leur habituel, de leur zone de confort, se donner un défi, mais tout en partant d’un lexique, d’un monde, d’un univers qu’ils avaient déjà, d’une manière ou d’une autre, exploré. Le tout appuyé par un joyeux délire, combinaison d’absurde, de n’importe quoi et de référentiel. Et soutenu par un solide scénario de Desharnais et un trait aussi brouillon qu’efficace de Bouchard.
Indéniablement, Motel Galactic, tome 1, était très réussi. Et si vous ne l’avez pas encore lu, il est disponible aux Éditions Pow Pow.
Et, évidemment, qui dit succès, dit tome 2. Voire plus, puisqu’on parle ici d’une trilogie envisagée (donc : qui dit succès, dit tome 2 et 3, au bout du compte). Une évolution qui cadre bien dans l’esprit référentiel de l’ensemble, puisqu’en science-fiction, ces temps-ci, toute bonne chose doit venir par trois. Star Wars. The Matrix. Et les autres. Avec les craintes légitimes que ce type d’annonces accompagnent (aura-t-on du bon, du moins bon ou du pas bon?)…
Force est d’avouer qu’avec le tome 2, l’effet de surprise entourant le ton et l’esprit de Motel Galactic est passé. Laissons ça au premier tome. Et, après une histoire de clonage et de quête identitaire bien ficelée, les auteurs ont choisi pour le deuxième d’élargir les enjeux : le sort de la galaxie est maintenant en jeu. Et ont fait aussi évoluer leur structure : moins de narration illustrée, plus de cases et de phylactères. Bref, on garde le ton du premier, mais on se permet de faire progresser le tout.
Et côté récit, on y va en deux temps… D’un côté, un prologue rocambolesque qui nous explique pourquoi la culture québécoise s’est imposée dans la galaxie du futur (sans entrer dans les détails, ça démarre avec le Guy Laliberté, du Cirque du Soleil, qui devient le premier président francophone des États-Unis). Et de l’autre, une histoire à la Star Wars où Pierre Bouchard devra affronter le vilain Darth Brador, un être abject créé de toutes pièces avec l’ADN des pires mécréants de la culture d’ici (la mère de la petite Aurore, Jean-Paul Belleau des Dames de cœur et Séraphin Poudrier). Bref : quand je parlais d’absurde et de joyeux délire tout à l’heure : vous comprenez pourquoi.
Et, d’une page à l’autre, les péripéties fusent. Avec les références doublées à l’univers de George Lucas et au pays qui n’est pas un pays, mais l’hiver qui fusent. L’armée des clones se fait garde « péquisse », Jacques Parizeau se fait Yoda. Etc. Etc. Et, d’une page à l’autre, la plupart des clins d’œil fonctionnent, le récit se défend, en crescendo jusqu’à l’obligatoire bataille finale (à grand déploiement).
Sans être l’égal du premier, Motel Galactic 2 : le folklore contre attaque fonctionne. Sans être une lecture incontournable, il offre une belle extension de l’univers développé dans le premier tome pour ceux qui ont envie de prolonger l’expérience. L’atmosphère y est bon enfant, ludique, sympathique. Et on se demande bien où les auteurs choisiront de nous entraîner pour le tome 3.