Toujours en mode rattrapage.
Je me sentais un brin obligé, au passage, de vous mentionner l’existence de la bande dessinée Trame, le poids d’une tête coupée de Ratigher, chez Atrabile.
J’ai lu cette BD au retour du boulot, un soir…
Le genre de situation typique… Je débarque chez moi. Je veux décompresser un brin, avant de passer aux « choses sérieuses » (ici, la préparation du repas, nécessaire à la continuité de mon existence). Pourquoi pas prendre un petit temps pour lire une BD? Et, en bonus, je venais justement de recevoir Trame. Il y avait quelque chose qui m’intriguait, qui m’attirait dans cette lecture.
Et je me suis lancé.
Dès les premières pages, j’étais décontenancé. Dans les premières planches, je suivais quelques échanges entre deux jeunes personnes, deux amoureux, un homme et une femme. Visiblement bien argentés. En attente de procéder vers une fête, un party. Ils sont, avec leur auto, sur le bord de cap. Là probablement pour la vue. Ils s’embrassent. Et, alors qu’on les sait occupés, sur le roc même du cap grimpe une ombre. Petite, trapue, sale. Ce qu’on découvrira être un homme de petite taille. Avec une once de sadisme. Il interpelle le couple. Ils pensent que le petit individu, au visage recouvert, veut les voler : ils collaborent. Mais, non : surprise… Il ne veut pas les voler, loin de là. Il veut, lui aussi, être invité à cette fête… Ils refusent. L’homme s’impose et, pour le couple, amorcera le début d’une descente aux Enfers que n’aurait pas renié le réalisateur David Lynch.
J’y vais dans le détail? Oui. Peut-être. Mais bon : ce paragraphe, ce n’est que quelques pages, ce n’est, au final, que l’amorce du récit.
Je préfère ne pas en dire plus, car ce serait vous faire rater les rebondissements pour le moins improbables de ce récit à la fois délirant et troublant, qui mènera le couple de rencontres sordides en rencontres tout aussi sordides, au fil des pages en noir et blanc de Ratigher.
Cela dit : une petite précision est nécessaire : pas toujours en noir et blanc.
C’est que, au fil des pages, on découvre une planche, présentée à la façon d’un négatif photographique. Et ce n’est pas une planche au hasard, non. C’est un flash-forward (précisé, d’ailleurs, dans les détails officiels du livre). On y découvre bribe de conversation et d’échanges qu’on redécouvrira plus tard, présentée de manière classique, dans le fil de l’histoire… Question de créer, le temps venu, une impression de déjà-vu, qui viendra ajouter à l’ambiance trouble de Trame.
Donc : j’ai été décontenancé, dès le départ.
Le temps de réaliser, assez rapidement que ce ne serait pas une BD qui se lit sans effort ou sans effets, mais qui devrait, cela dit, se lire.
On tourne les pages. Au fil de la lecture, la curiosité domine le sentiment de malaise ambiant qui en ressort. Le dessin est de facture simple : noirs, blanc, gris. L’intrigue surréaliste est rythmée. Efficace. Il n’y a pas d’accalmie. Pas réellement : on devine de courte durée le répit de ces héros pas si sympathiques qui sont au cœur de Trame, on devine inéluctable leur descente vers le pire. En se demandant, justement, quel sera ce pire…
Une lecture à la fois agréable et pas si agréable que ça, au bout du compte.
Qui donne un brin dans le sadisme et dans le cauchemardesque, avec quelques relents et quelques couverts de critique sociale (lutte des classes, notamment).
Qu’on appréciera plutôt comme un cauchemar réussi, comme une série très noire bien ficelée, où les côtés nihilistes seront plus en évidence que ses visées plus philosophiques.