Parfois, une histoire d’amour se termine.
À force de querelles. Par manque de communication, de désir. Parce que les chemins, les vies, en viennent à se séparer… Je pourrai énumérer ici un maximum de raisons, mais sans grande utilité : des fois, les histoires d’amour se terminent. Et des fois, ce n’est pas beau.
Au cœur du Loin des yeux (Everything We Miss, dans sa version originale) de Luke Pearson (chez NoBrow), c’est justement, l’éclatement d’un couple qu’on observe.
La querelle initiale.
Puis le désir de rapprochement, de discussion, tué dans l’œuf par des imbroglios communicationnels.
Puis, tranquillement, la chute. Celle de l’homme du couple, qu’on suit, au fil des pages de cette petite bande dessinée en blanc, noir et orange. Un dessin efficace. Une descente vers le malheur, vers le spleen, le mal de vivre, voire la dépression…
Planche par planche, page par page, jusqu’à la chute finale. Renaissance? Peut-être. Ou le fond, tout simplement…
Donc, il va s’en dire, une BD pas très joyeuse. Mais bien racontée. Et, surtout, ô combien surprenante.
Oui, surprenante.
Car Luke Pearson ne se limite pas à ce qui se passe. Il s’intéresse aussi à ce qui pourrait se passer (ou se qui se passe vraiment, qui sait). Si nos mauvaises intentions étaient le fait d’ombres passagères dont nous étions momentanément les esclaves. Si des créatures extraterrestres nous observaient, constamment, se nourrissant de nos malheurs. Si les étoiles filantes étaient le fait de créatures spatiales, qui jette des cailloux dans l’espace comme on en jette dans les lacs. Si…
Des petites parenthèses, qui viennent donner une ambiance, une touche toute particulière au récit. Qui viennent le placer dans un contexte plus global, peut-être. Des moments poétiques, parfois. Ou d’autres, qui nous désarçonnent. Des éléments qui viennent donner corps au récit, qui viennent, peut-être, le faire dépasser (ou transcender?) son côté très quotidien, très ordinaire, au bout du compte… Qui viennent apporter gravitas. Ou humour. Ou les deux.
Des moments, surtout, qui font qu’on se souviendra de Loin des yeux. De son dessin. De son ambiance. De sa narration.
Onirique. Fantastique. Poétique. Réaliste.
« L’aube à l’horizon. En une fraction de seconde, un sapin se détache et se met à danser… sans que personne ne remarque rien. Le ronronnement sourd du moteur de la voiture est ignoré des dormeurs aux alentours. Les oiseaux commencent à chanter, rappelant aux insomniaques qu’il est déjà trop tard – ils ont manqué leur chance. Le seul autre bruit vient d’un géant de garde dans la mer. Quelque part sous la surface huileuse, il glisse et disparaît au creux d’une vague presque sans bruit. En silence, avec une patience infinie, certaines choses attendent et souhaitent ardemment être trouvées. »
Ça, c’est le texte de la première planche. Ça donne le ton, ça donne l’ambiance. Avec le dessin en plus, bien entendu.
Une toute petite BD, bien ficelée. À lire.