BloguesLa vie en BD

Lectures récentes (5)

Raule et Gabor
Isabellae 1 : L’homme-nuit
Le Lombard

Que dire de ce premier tome d’Isabellae? Du bien, d’abord. L’ouvrage est beau. Le graphisme intéressant. Son dessinateur, Gabor, emprunte un brin à l’univers de l’estampe japonaise, lui faisant rencontrer les techniques plus classiques du franco-belge. Rien pour réinventer le genre, certainement. Mais rien non plus pour nous donner, en regard de l’album et de ses planches, ce sentiment de « déjà vu » qui accompagne certaines productions, du point de vue graphique à tout le moins.

On y suit les pérégrinations d’Isabellae, accompagné par l’esprit de son père. Guerrière presque invincible, chasseuse de prime, fille de sorcière, elle est à la recherche de sa sœur. Pour quelle raison? On ne sait. Sinon le désir instinctif. Cela, malgré l’ombre qui plane sur cette éventuelle rencontre – « lorsque les deux seront réunies, l’une des deux périra », nous annonce-t-on au fil du récit. Solitaire, elle sera tout de même accompagnée par un apprenti moine et un bandit au grand cœur qu’elle recrutera bien malgré elle. Un premier tome somme toute conventionnel : mise en place de l’univers, présentation de la protagoniste et de ses origines, amorce de la quête. Le temps de permettre au lecteur de plonger, au côté de ses auteurs, dans leur Japon médiéval et fantastique.

On en dit du bien, donc, parce que le mélange fonctionne. Parce que l’esprit des planches semi-réalistes de Gabor nous sourit… Mais on garde quelques hésitations également, parce que le récit de Raule donne l’impression de se chercher un peu, entre les séquences de combat et les flash-back. Mais qui, sait-on, pourra bien se trouver fort agréablement dans le second opus…

 

Laurent Granier, LF Bollé et Lionel Marty
Inca 1 : L’Empire des quatre quartiers
Glénat

Avec Inca, Laurent Granier, LF Bollé et Lionel Marty nous amènent vers l’Amérique du Sud de l’époque des Conquistadors. Leur objectif? En entrevue, on nous indiquait vouloir nous offrir une série réaliste sur les Incas. Une fiction historique, donc. Documentée. Tant au niveau de l’Histoire, avec sa lettre majuscule, que de par la présentation des traditions et de la réalité de l’époque. Soit. L’intention est bonne.

On découvre, d’un côté, l’enfance d’Amaru, qui, tel Moïse, fut trouvé, nourrisson, flottant sur un panier dans les flots du lac Titicaca avec, derrière l’oreille, un étrange tatouage annonciateur d’un destin exceptionnel. De l’autre, on voit les conflits impériaux et, surtout, la prise de possession progressive du territoire par les Espagnols, avec les jeux politiques qui l’accompagnent. Un contexte global dans lequel évolue l’histoire plus personnelle du héros. Et deux univers qu’on devine se croiser, au fil des tomes de la série.

De bonnes intentions donc. Doublé d’un argument assez classique, qui se développe, lui aussi de manière malheureusement assez classique. Avec, justement, un petit air de « déjà vu, déjà entendu »… L’alternance entre l’un et l’autre force nombre d’ellipse, d’avancées rapides dans le temps qui, parfois, donnent l’impression qu’on est en train au fil des pages d’Inca de livre un best of ou de visionner des faits saillants plutôt que de lire un récit riche et stimulant. Pas que l’ensemble ne soit pas bien fait, non. On sent la documentation et la rigueur… Mais bon. J’aurais aimé avoir un peu plus.

 

Martin Singer
Sois bête et tais-toi
Poivre et sel

Ici, c’est un rattrapage total et complet. Je crois que l’ouvrage date de mai 2013. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de le feuilleter, je vous suggère fortement de le faire. Il s’agit d’un petit livre. À la facture bien simple. Au dessin un brin croquis, un brin spontané, rond, ligne claire, dans la veine animalière. Une série de petites histoires mettant en vedette des animaux. Pour ceux qui connaissent Martin Singer : c’est dans la même veine, dans le même ton, que ses ouvrages précédents. Pour ceux qui ne connaissent pas : ce sera une occasion de le découvrir.

Car ici, les animaux ne tentent pas de mener leur vie d’animal. Non. Ils viennent plutôt s’inscrustrer dans le monde des humains. Y réagir. En pleine savane africaine, des éléphants s’abreuvent à une rivière. Tout est paisible, jusqu’à ce que les trafiquants d’ivoire attaquent. Ils sèment la mort dont est témoin un jeune éléphant… Quelques années plus tard, il décide de se venger, en allant commettre un attentat suicide dans un quelconque théâtre urbain… Première nouvelle. Ça donne le ton. Les autres histoires sont dans le même esprit.

Humour décalé. Constats et réflexions à saveur sociale… Un peu à l’image de fables à l’humour noir au fil desquels on rie certes jaune, mais aussi de bon cœur.