Et puis, Astérix chez les Pictes?
Ça doit faire, quoi, une bonne semaine que vous en entendez parler.
L’album presque omniprésent sur toutes les tribunes de la sphère BD (et bien au-delà). Une place de choix qui s’explique, bien évidemment, par la vaste opération de promotion et diffusion de l’album – du jamais vu, ou presque. Lancement simultané dans 15 pays, en 23 langues. 5 millions d’exemplaires imprimés au lancement, sans compter les réimpressions subséquentes… Et un bon succès, au final, côté ventes pour l’opération : selon les analyses, les ventes de l’album ont démarré beaucoup plus rapidement que les précédents, et l’on parle déjà chez certain de cet album comme la « meilleure vente de l’année 2013 ». En fait, au réseau de la Fnac, en France, l’album a détrôné 50 Shades of Grey au sommet du palmarès des ventes. Rien de moins.
Donc : oui, un succès de vente pour cet Astérix, nouvelle mouture, réalisé par Didier Conrad et Jean-Yves Ferri. Pari remporté pour les éditions Albert-René.
Succès commercial donc.
En trois mots : il est bien. C’est d’ailleurs probablement ce que vous avez lu, çà et là. Il est bien. Ce n’est pas l’Astérix du temps de René Gosciny, qui, il faut l’avouer, savait bien y faire côté scénarisation, côté humour, côté ambiance… Mais ça reste de bien meilleure qualité que les derniers albums offerts par Albert Uderzo, qui, avouons-le, étaient plutôt désolants (en pente descendante depuis L’Odyssée d’Astérix et ceux qui suivirent, pour atteindre le fond du baril avec Le Ciel lui tombe sur la tête). J’ai vu certains mentionner que c’était peut-être le meilleur Astérix depuis quelques années, voire depuis L’Odyssée d’Astérix ou Le Fils d’Astérix (selon vos préférences). Et j’aurais envie d’en dire de même.
Dans Astérix chez les Pictes, le héros gaulois tombe, au fil de ses pérégrinations en bord de mer, sur un guerrier picte, prisonnier des glaces. Après une opération de « décongélation », le Picte (au prénom en « Mac » comme tous ses congénères) sera l’amorce d’une aventure qui mènera Astérix et Obélix dans ce qui est aujourd’hui l’Écosse, avec ses châteaux, ses lochs, ses monstres, ses traditions… Cela, en pleine guerre des clans en vue du couronnement du prochain grand roi des Pictes. Et en plein cœur d’une intrigue amoureuse digne de Robin des bois. Un récit bien simple. Une belle ligne droite qui fonctionne. Avec de l’humour, des batailles, des passages obligés amenés fort adéquatement (les pirates, par exemple). Donc : ça marche.
Astérix chez les Pictes, d’une façon, c’est un hommage. En ce qui concerne le dessin. En ce qui concerne le scénario. Un hommage réussi.
A-t-on besoin de cet hommage? Au-delà du défi des ventes, est-ce que le héros gaulois a toujours quelque chose à dire, à apporter, aujourd’hui? A-t-on besoin de nouvelles aventures pour stimuler le goût des lecteurs vers ses anciennes, chefs-d’œuvre du genre? Non. Oui. Peut-être.
On n’est pas ici dans une exploration de thématiques plus modernes, à travers un héros presque éternel. Le dernier Spirou et Fantasio s’intéressaient au phénomène du droit d’auteur, de la concentration des médias, à l’influence des grandes corporations… Le dernier Lucky Luke explorait les dérives du phénomène de la surveillance tous azimuts, de l’obsession de la sécurité. Des personnages « d’hier » qui montraient qu’ils pouvaient aussi fort bien être des personnages « d’aujourd’hui ». Qu’il y avait plus, à leur proposition en album, « qu’une autre aventure »…
Évidemment, il a fallu quelques opus dans le registre « nouvelle mouture » pour que ces séries, au-delà des opérations promotionnelles, réussissent à trouver (ou plutôt à retrouver) leur place. Peut-être qu’Astérix fera de même. Qui sait. Ça reste à voir.
Mais, pour l’instant, l’album demeure un agréable divertissement, pour qui souhaite lire un « Astérix neuf » plutôt que de retomber dans les albums 100 fois lus et relus.
D’une façon, ce nouvel Astérix c’est une amorce, une fois lue, pour avoir envie, une 101e fois, de retomber dans la lecture de ces premiers albums… De ressortir notre Tour de Gaule, nos Jeux olympiques, notre Astérix chez Cléopâtre et tous les autres qui ont fait de ce personnage ce qu’il est aujourd’hui.
Cela sans le soupir de déception qui accompagnait les derniers opus du héros, avant les pas obligés séparant la lecture des derniers de la relecture des premiers.
Comme je vous l’avais mentionné voilà une semaine, Monsieur Poirier, j’ai commandé en ligne (ce que je ne fais jamais) ce nouvel Astérix. Car j’avais – et il m’en reste encore! – quelques cartes-cadeau (utilisables uniquement en ligne) auprès de Chapters/Indigo.
Donc commande de: «Astérix chez les Pictes» + le dernier CD «NEW» de Paul McCartney + le CD «The Definitive Collection» de Steely Dan. Tout ça livré sans frais à ma porte dès mardi matin. En trois jours seulement!
Mon appréciation à présent.
Pour Steely Dan, de bonnes pièces certes mais aucunement ce qui serait une anthologie. Un titre de CD malavisé. Quant à «NEW» de Paul McCartney, lancement fait dans un énorme battage publicitaire, probablement de loin supérieur à ce qui aura précédé la sortie du nouvel Astérix, eh bien ce CD «NEW» est très décevant. Pas de belles mélodies ou harmonies vocales comme Sir Paul en a souvent été capable, ni de rocks enlevants. Un CD plutôt quelconque. Que je tenterai peut-être de réécouter un jour…
Et «Astérix chez les Pictes»?
Ça c’est plus difficile à trancher. Le dessin est exactement identique à celui de Uderzo. Par contre, le scénario – malgré plusieurs repaires remontant à l’ère Goscinny – m’a fait l’effet d’être sous-développé. J’ai eu l’impression de regarder un arbre au tronc un peu chétif avec par contre une prolifération de petites branches trop envahissantes. Il aurait fallu émonder en cours de croissance, afin que le tronc soit plus fort, plus solide.
Donc, ce nouvel Astérix oscille entre le «zut» d’une certaine déception et le «ouf» du soulagement que le charme n’ait pas été irrémédiablement rompu du fait que Albert Uderzo ait passé la main à d’autres.
Alors?
Cet «Astérix chez les Pictes» s’avère un album plutôt moyen, correct sans plus. Pas à la hauteur de plusieurs des aventures précédentes des Gaulois bien connus. Faudra donc vraiment attendre le prochain nouvel Astérix – déjà annoncé – pour voir si les Gaulois couleront à leur tour, à l’instar des pirates souvent croisés au fil de leurs sorties de village ou si ces irréductibles sauront au contraire reprendre du galon…