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Des Nombrils à la sauce polar

Couverture_NombrilsT6Tome 6 de la série Les Nombrils sorti récemment.

Vous l’avez peut-être vu. Vous en avez peut-être entendu parler. Chose parfaitement méritée, d’un point de vue statistique (cette série, c’est quand même le plus grand succès BD québécois à l’international, avec des chiffres de vente fort imposants, plus qu’appréciable) et, également, parce que, d’un point de vue qualité, et bien, c’est bon.

Le tome 6 (intitulé Un été trop mortel!) amène les créateurs de la série, Delaf et Dubuc, à lorgner un brin vers l’univers du polar. Un choix intéressant. Un défi que se sont lancés les créateurs de cette série qui n’a de cesse d’évoluer, de progresser, au fil des albums… Ce qui avait commencé comme une série à gags d’une planche est passé, d’album en album, à un récit à part entière (qui intègre toujours, cela dit, une structure « gag d’une planche » plus ou moins accentuée, selon les tomes). On imagine d’ailleurs pour les créateurs le travail d’équilibre entre le récit global et la planche humoristique, entre le désir de dessiner une trame liant chacune des planches de l’album, et celui d’intégrer une chute au final de la plupart de ses pages. Un travail d’équilibriste, certes. Mais également, pour les lecteurs des Nombrils, force est d’admettre que c’est aussi (et surtout) un défi relevé, une contrainte surmontée.

Mais bon, je digresse…

Polar, je disais. C’est qu’à la fin du tome 5 (consacré, en bonne partie, à l’émancipation face au groupe de l’éternelle victime, Karine, à sa prise de confiance en elle-même), et bien, on s’était laissé sur un point d’interrogation : le nouveau petit ami de Karine, Albin, serait-il un meurtrier?

À l’image des autres albums de la série, Delaf et Dubuc semblent s’amuser à s’ouvrir une porte qui redirige (un tantinet) la série dans les dernières pages de chaque album (avec, également, un défi et une thématique fort intéressante qu’on annonce pour le tome 7 dans les dernières pages du sixième, que je ne vous dévoilerai pas ici). Donc : le tome 5 appelait au polar. En partie, du moins. Et le tome 6 répond donc d’agréable manière à cet appel. Petit récit « à suspense » autour d’une Karine qui, après avoir largement dominé le tome 5, se fait peut-être un peu plus discrète dans le tome 6, bien équilibré entre les trois héroïnes de la série.

D’ailleurs, les auteurs en profitent pour explorer un peu plus avant la nature (et le passé) des deux autres membres de leur trio : Jenny et Vicky. Passé douloureux d’intimidation pour l’une. Présent plus difficile aux Case_Nombrilsparents absents pour l’autre. Voilà qui vient ajouter de nouvelles dimensions au caractère de ces deux personnages, permettant peut-être également à la série d’explorer de nouvelles dynamiques, au-delà, justement, de celle du trio, explorée au fil des quatre premiers albums de la série et dont la transition avait été amorcée, justement, au fil du tome 5,

Cela en élucidant, évidemment, la question lancée précédemment (Albin, meurtrier?). Et en intégrant quelques moments jouant avec certains stéréotypes du genre polar (par exemple: confrontation, au lever du jour, sur un pont, entre le meurtrier et ses victimes potentielles).

Une nouvelle addition qui vient donc enrichir cette série, et qui vient confirmer une nouvelle fois la volonté des auteurs à dépasser la dynamique des gags (sans l’oublier toutefois), à redéfinir la dynamique des ingrédients de leur série.

Si vous aimez l’univers des Nombrils, probablement que je n’aurai pas fort à faire pour vous convaincre de jeter un coup d’œil au sixième tome (en fait, j’imagine qu’à ce stade-ci, à cette date, c’est déjà chose faite). Pour les autres, que vous ayez l’impression (ou non) d’être la « clientèle cible » de cette série, sachez que, de manière générale, l’univers de Delaf et Dubuc vaut le détour, et mérite largement le succès populaire qu’elle a engendré, au Québec comme en Europe.

Enfin, si vous avez envie de pousser un brin plus loin la réflexion face au sixième tome, j’ai eu l’occasion récemment d’échanger une quinzaine de minutes avec la scénariste Maryse Dubuc. Vous pouvez entendre la discussion ci-bas :