Mécanique générale prend cet automne un nouveau départ.
Nouveau logo. Nouvelle administration. Nouveaux titres. Après le rachat par la (toute nouvelle) maison d’édition Somme toute de la collection qui, jusqu’à ce printemps, appartenait aux 400 Coups, le nouvel éditeur de Mécanique générale, Renaud Plante, nous a annoncé un automne chargé, avec deux titres : Lovapocalypse de Philippe Girard et Non-aventures de Jimmy Beaulieu.
Et bien, les titres sont arrivés. Et la mécanique est repartie, de plus belle.
Un choix éditorial pour les deux premiers titres qui s’inscrit dans la continuité : avec Non-aventures, publications d’un recueil d’anciennes et nouvelles planches autobiographiques de Jimmy Beaulieu publié dans le passé chez Mécanique générale; et avec Lovapocalypse de Philippe Girard, on retrouve un habitué de la scène BD québécoise, déjà publié, lui aussi, dans la première mouture de Mécanique. Deux choix solides qui offrent deux titres tout aussi solides.
Les prochains titres (car l’éditeur vise 3 à 4 parutions, annuellement)? On les annonce plutôt dans la nouveauté. Deux premières publications : car c’est aussi le rôle que cherche à se donner Mécanique générale. Faire côtoyer l’expérience et la relève. Donner de nouvelles chances à de jeunes auteurs. Et offrir une distribution à d’autres auteurs, bien établis. Pour le printemps 2014, c’est tour à tour l’illustrateur Guillaume Perreault et la bédéiste Estelle Bachelard (alias Bach) qui offriront leurs premiers titres, respectivement Cumulus (en mars) et C’est pas facile d’être une fille (en avril).
Qu’est-ce qui a amené l’éditeur à se lancer dans l’aventure Mécanique générale? Comment envisage-t-on ce retour, dans un écosystème BD fort dynamique en province? Qu’est-ce qu’on cherchera à mettre de l’avant au fil des titres, au fil des choix éditoriaux?
J’ai eu l’occasion d’en discuter la semaine dernière, au cours d’un bref échange (une dizaine de minutes) avec l’éditeur, Renaud Plante :
Brique autobiographique
Et, je le disais, côté titres, il va s’en dire qu’on frappe fort pour les deux premiers.
Non-aventures, c’est un peu la continuité des premières parutions offertes par Jimmy Beaulieu chez Mécanique générale, en des temps jadis. Le Moral des troupes. Résine de synthèse. Quelques pelures. Cela, accompagné également d’un nombre appréciable de nouvelles pages dans le contexte d’une brique assez imposante.
Une belle série de « planches à la première personne » donc, que nous offre l’auteur. Regard introspectif sur la vie, sur l’amour, sur la pratique BD… L’heure des choix. Les joies et les tristesses. Les angoisses et les plaisirs. J’aurais envie de dire « Bref : de l’autobiographique ». Et j’aurais bien raison, mais, par acquit de conscience, je me dois de dire plutôt : « Bref : de l’autobiographique, mais du bon, maîtrisé, rythmé; le genre d’autobiographique qui permet au lecteur de plonger, plein pied, dans l’intimité de l’auteur, de profiter de ce regard privilégié pour nourrir sa propre réflexion… ».
À la limite, on pourrait aussi presque dire (voire enlever le « presque » et simplement le dire) : c’est un peu comme si, mises côte à côte, les planches autobiographiques de Jimmy Beaulieu prenaient un peu plus de « punch ». Comme si leur perception était bonifiée par l’ensemble.
Une invitation, donc, à partager un moment avec cet auteur de talent. Et avec ses obsessions également. Ou, plutôt, son obsession : la femme, son corps, sa beauté… Il la dessine. Il la questionne. Il se questionne. Comme on l’a déjà vu au fil de ses parutions, que ce soit dans ses récits autobiographiques ou fictifs (comme Comédie sentimentale pornographique, par exemple).
Vous comprendrez, donc, qu’il s’agit ici d’une invitation que je vous invite à accepter.
J’ai eu l’occasion d’échanger d’ailleurs un brin, au téléphone, avec Jimmy Beaulieu tout récemment. Voici donc un bref entretien autour de Non-aventures (avec un petit aparté également, en fin de parcours, vers son autre parution automnale, Le potager de Vic+Flo à La Mauvaise tête) (et désolé pour la qualité audio de l’ensemble, ça ne sonne pas hyper bien…) :
L’amour et l’adolescence, sur trame de fin du monde
Enfin, l’autre titre mentionné plus haut, Lovapocalypse, complète le retour automnal de Mécanique générale.
C’est de Philippe Girard (Les Ravins, La Mauvaise fille, La Fête des morts, Tuer Vélasquez, Rewind, etc.). Et on a droit ici à du bon Philippe Girard (ce qui n’est pas rien).
Dans Lovapocalypse, l’auteur s’attarde au phénomène des sectes, plus précisément, aux événements entourant les suicides collectifs en terre québécoise de l’Ordre du Temple solaire. Dans un ancrage bien réaliste, inspiré, à force de recherche et documentation, de cette réalité, Philippe Girard nous propose de partager un moment en compagnie d’un adolescent de 16 ans, Isaak Quèze, dont le père est l’un des membres de l’Ordre.
On y découvre une adolescence certes en perte de repères, délocalisée vers Saint-Casimir, ébranlée par le choix paternel de rejoindre la secte… Un choix que l’adolescent ne se gène par pour remettre en question, mais qui, en cours de route, fera lui même. Mais pas pour la foi. Plutôt pour l’amour : pour se rapprocher d’une fille qui lui plaît… Voilà l’amorce, du reste, concernant le récit, je n’en dis pas plus…
Au fil du récit, Philippe Girard nous entraîne donc dans l’univers des sectes, dans cette réalité. Un regard qu’il tente de nous proposer à travers les yeux de cet adolescent, qui, victime inhabituelle, demeure critique face à ce groupe qu’il a rejoint, face à leurs choix, leurs comportements… Exemple : au moment où un gourou annonce à l’Ordre que la fin du monde est proche, il sera abasourdi de leur réaction… Rires et sourires. Éclats de joie. Applaudissement…
Regards donc, sur la spiritualité. Sous une trame dessinée aussi par l’amour de la musique, du rock. Source d’échappatoires, moteur d’un imaginaire coloré, à saveur de concert. Source aussi de réflexions et de philosophie… Forme plus légère de guidance dans la quête de sens des protagonistes du récit… Et aussi lien entre un père et son fils, langage commun entre Isaak et son père, rupture dans l’incompréhension des choix effectués autant par l’un que l’autre.
Avec Lovapocalypse, Philippe Girard nous offre une œuvre solide et percutante.
Comme pour Jimmy Beaulieu, j’ai eu l’opportunité de croiser Philippe Girard, et d’échanger un brin avec lui autour de son dernier-né. On peut écouter, ici, le résultat de cette discussion :