Le dimanche 13 avril 2014, la bande dessinée s’était invitée au musée! En effet : le Musée national des beaux-arts du Québec et le Festival de la bande dessinée francophone de Québec s’étaient associés afin de convier 16 créateurs BD à poser un regard sur le travail de quatre des grandes figures de l’art moderne au Québec et, ainsi, à investir les quatre nouvelles salles d’expositions de l’institution, dédiées à Jean-Paul Lemieux, Alfred Pellan, Fernand Leduc et Jean-Paul Riopelle.
« C’est toujours un honneur de s’inspirer d’un artiste important de l’art moderne québécois, en fait, ce genre d’invitation, c’est un honneur qu’on ne peut pas refuser, vraiment », indique l’auteur de Faüne, Paul Bordeleau. Croisé en après-midi, il était attablé dans la salle dédiée à Pellan, au côté de son collègue Leif Tande (Morlac).
Les deux artistes s’étaient laissés imprégnés par l’univers de l’artiste, par ses sculptures, par sa peinture. « On parle ici de quelqu’un qui a marqué l’histoire de l’art, qui a exploré plein de styles visuels, qui a démarré de nouvelles tendances dans l’art : tu ne peux pas faire autrement que d’être inspiré par ce qu’il fait », lance Leif Tande. « Et c’est toujours intéressant de se laisser imprégner par un univers qui n’est pas le nôtre », ajoute Paul Bordeleau.
Pour le Français Boulet (Notes), il s’agissait aussi d’une occasion d’aller à la rencontre de l’art québécois, qu’il avait que peu eu l’occasion d’explorer jusqu’alors. « J’ai accepté cette invitation pour la nouveauté : parce que je n’avais jamais fait ce genre de chose et, aussi, parceque je ne connaissais pas du tout les peintres exposés. Je trouvais ça assez intrigant comme principe, d’aborder une œuvre en étant complètement ignorant de cette œuvre, de voir ce qui en ressortirait comme ressenti… En fait, c’est un peu là l’essence de l’improvisation en dessin : avoir un ressenti et créer avec celui-ci. Là, ce qu’on me proposait, c’était de partir du thème de l’œuvre de quelqu’un d’autre et je trouvais que c’était une idée assez poétique. »
Comme plusieurs autres des dessinateurs ayant participé à l’activité, Boulet a commencé simplement par explorer la salle, voir quelles œuvres, quels points de vue, lui parlaient le plus.
Dans la salle dédiée à Jean-Paul Lemieux, Boulet a été inspiré par les paysages de l’artiste. « Ce sont des paysages très minimalistes, dans la neige, empreints de nostalgies, que je trouve très beaux… Et en les regardant comme ça, en essayant de choisir lequel j’allais, en quelque sorte, utiliser, je me suis rendu compte qu’il y en avait trois qui résonnaient particulièrement », explique-t-il.
D’un côté, une toile occupée par une grande étendue noire, avec, en détail, une femme qui marche. Au centre, le portrait d’une femme, dans la neige, vêtue d’un manteau jaune. « Et, de ces toiles, la ligne d’horizon semble se prolonger sur plusieurs toiles, pour arriver à une autre, représentant un train ». Pour lui, ces trois toiles communiquaient entre elles. « C’est un peu comme s’il y avait deux fenêtres sur la même scène. J’imaginais cette femme dans la neige, à regarder passer ce train… Je me suis amusé à refaire la scène, un petit peu au moment où les deux se croisent », indique Boulet.
Plus loin, Réal Godbout (L’Amérique, Red Ketchup), était attablé dans l’espace d’exposition dédiée à Fernand Leduc. Son dessin? Un jeu de contraste, entre un atelier d’artiste, chaotique, imaginaire, et une œuvre de l’artiste, au centre, minimaliste, épurée, opposition entre le chaos et l’ordre.
« Travailler à partir de Fernand Leduc, pour quelqu’un qui fait de la bande dessinée, du cartoon, de l’illustration, c’est un peu moins proche de notre univers. Moi il y avait quand même quelque chose qui m’inspirait dans ce jeu-là entre le non-figuratif, complètement épuré, par opposition au côté figuratif, anecdotique du cartoon », explique M. Godbout.
Vous avez manqué les périodes de création en direct le 13 avril dernier? Qu’à cela ne tienne : le résultat de l’exercice, auquel ont participé, également Jimmy Beaulieu, Michel Rabagliati, ValMo, Pierre Bouchard, PisHier, Fredrick Peeters et plusieurs autres sera présenté au MNBAQ du 15 au 27 avril dans le passage qui relie le pavillon Charles-Baillargé au Grand Hall. À découvrir!