La création BD s’intéresse au genre polar.
Ça, on n’a qu’à porter un regard sur la production actuelle en bande dessinée pour le constater. Un peu tout y passe. Adaptation et récits originaux. De récits à saveur thriller à d’autres s’inspirant du film noir. D’une époque à l’autre, d’un cadre à l’autre… Cela, accompagné d’une multitude de styles graphiques et narratifs.
Le spécialiste de la bande dessinée Michel Giguère a décidé d’aller puiser à cette source pour la prochaine édition de ses Rendez-vous de la BD qui sera présentée le mercredi 7 mai prochain, dès 19h, à la bibliothèque Gabrielle-Roy (sous le titre Des bulles plein le chargeur : le polar, c’est aussi de la BD).
En quelques mots?
« Singulière dans sa forme narrative hybride, plurielle dans sa richesse esthétique, la bande dessinée est-elle un médium aussi efficace que le roman et le cinéma pour planter le décor du lieu du crime, décrire les circonvolutions d’une enquête, traduire la psychologie des criminels et porter les codes éprouvés du genre? De 1931 à nos jours, en couleur comme en noir et blanc, de Dick Tracy à Blacksad, de Gil Jourdan à Sin City, en passant par maintes adaptations de romans et de films, nous vous fournirons diverses pièces à conviction. »
Ça, c’est le descriptif officiel.
Évidemment, j’avais envie d’en savoir un peu plus et me suis permis de lui prendre quelques minutes pour échanger autour de la thématique et lui lancer quatre petites questions, en route vers sa conférence…
Peut-on dire que la BD rend efficacement le polar?
« Oui. Et même pour la psychologie – car comme on le sait, le roman est plus propice à explorer la psychologie des personnages que ne le sont le cinéma ou la bande dessinée, qui sont plus des médiums portés sur l’image et l’action – et bien, même à ça, particulièrement dans les dernières années, il y a des œuvres en BD qui sont étonnantes pour lever des voiles sur les motivations profondes des personnages. »
On retrouve la plupart des sous-genres propres au polar en BD? Une belle variété à explorer?
« Pareillement à la littérature et au cinéma, il y a des récits d’investigation où priment les ressorts de l’enquête (je pense, entres autres, pour ceux qui connaissent la BD américaine, connaissent le scénariste Andrew Baker, qui a fait Scènes de crime), il y a le récit noir, qui mettent l’accent sur la psychologie trouble des personnages, je pense ici à The Filth, que j’ai beaucoup aimé, et puis il y a des récits à caractère psychologique, qui dépeignent le milieu, que ce soit le milieu criminalisé, et souvent, ça, c’est la mafia, ou le milieu des policiers comme 22 ou RG qui sont presque des documentaires qui montre le travail au quotidien des policiers. Comme milieu, ça va souvent tourner autour d’Hollywood, de la boxe, du jazz ou même du syndicalisme…
Il y a aussi des récits politiques, des récits d’espionnage… On s’éloigne un peu, mais bien souvent, en caractérisation, on met ça dans la grande famille du polar. Il y a aussi de récits qui mettent de l’avant de l’action, qu’on appelle des thriller, comme Tyler Cross ou Qui est Jake Hellis, vraiment un thriller plein d’action. D’autres sont axés sur le suspense. Et puis, pour finir la nomenclature, il y a des enquêtes qui vont se dérouler dans un contexte historique, autour de l’univers de la Londres du 19e siècle ou de l’Antiquité… Ou encore Torso, qui était considéré comme le premier tueur en série des États-Unis, ça s’est passé dans les années 1930. Et il y en a dans le futur, d’autres qui mélangent tous les genres, sans oublier les parodies, qui prennent les codes du genre et qui les exagèrent… Sans oublier les BD animalières, mais policières : on pense à Canardo, à Blacksad ou à La Pieuvre, qui retrace une période sombre de l’histoire de l’Italie. »
Des croisements entre BD, cinéma et roman? J’imagine tout particulièrement dans le roman noir…
« Surtout dans les récits noirs, où il y a une voix qui nous parle… Le ton, la voix qui nous parle, sa saveur, dans le roman noir, c’est super important et oui, on retrouve ça dans les bandes dessinées. Il y a aussi une influence indirecte : la plupart des classiques du film noir sont d’abord adaptés du roman noir… Et il y a, par ailleurs, énormément de romans qui sont transposés en BD et, là-dedans, il y en a qui sont des romans policiers. On peut penser à la collection BDétective, ou encore à Tardif et Moyneau qui ont adapté nombre d’enquêtes de Nestor Burma, le détective imaginé par Léo Mallet. Mais, on dirait que mes découvertes les plus concluantes d’adaptation de romans policiers sont assez récentes : j’ai lu plusieurs titres dans la collection Rivages Casterman : Le Dahlia Noir, Scarface, Shutter Island… »
Quelques titres additionnels à nous proposer, côté Québec, côté Japon?
« Côté Québécois? Humphrey Beauregard. Plus récemment Lionel et Nooga, Simon Nian, parodie qui a été publiée en France. Et peut-être petite mention de Fantomas, La Colère de Fantomas, dessinée par Julie Rocheleau. Le tome 2 vient de sortir : c’est visuellement magnifique. Côté japonais : Crying Freeman, Sanctuary, qui est plus autour du crime organisé, sinon Oldboy, Second Life, Trouble Is My Business… Mais bon : venez mercredi – c’est là que vous aurez une meilleure idée! »
Et bien voilà.
L’activité a lieu, je le rappelle, mercredi qui vient (7 mai) dès 19h à la bibliothèque Gabrielle-Roy. Et, d’ailleurs, c’est le dernier de ces rendez-vous mensuels pour la programmation 2013-2014