Aurélia Aurita
LAP! Un roman d’apprentissage
Les Impressions nouvelles
« LAP? » me direz-vous peut-être… Il s’agit ici du « lycée autogéré de Paris », un lieu assez particulier où professeurs et étudiants partagent les charges de gestion et d’entretien d’une institution d’enseignement, où les décisions se prennent par vote à main levée, où il n’y a pas de notes ou d’obligation d’assister aux cours… Bref, un lieu bien particulier et, dans le contexte d’une BD documentaire, un lieu qui, justement, mérite bien d’être documenté.
Aurélia Aurita (qu’on connaît pour son Fraise et chocolat) a donc passé un an à fréquenter le lycée, à assister à ces assemblées générales, aux classes qui y sont offertes, ou à fréquenter les divers lieux communs de l’endroit. Une année à observer, analyser, comprendre. Une année aussi, pour l’auteure, qui l’amène à se distancer, peu à peu, du rôle d’observatrice qu’elle s’était au départ donnée. « Peut-on tomber amoureux d’un lieu? » se demande le quatrième de couverture… Le ton est donné.
Le lecteur a droit à une bande dessinée documentaire certes de facture classique, mais, dans lequel, justement, dans lequel l’implication progressive de l’auteure dans son récit apporte une dimension particulière, peut-être plus émotive, face à son sujet (et à ceux qui le peuplent). L’auteure se fait ainsi par moment l’avatar du lecteur qui, lui aussi, plonge dans ce récit comme observateur, pour être peu à peu séduit, intrigué, intéressé, curieux, voire impliqué face à ce qui s’y passe, face aux décisions qui y sont prises… Un document clair, donc. Précis. Direct. Qui marque le but, sans nécessairement, cela dit, en venir à marquer un coup de circuit (pour rester dans les métaphores sportives).
Derf Backderf
Punk Rock et Mobile Homes
Ça et là
Les lecteurs assidus de ce blogue savent que j’ai (beaucoup) apprécié Mon ami Dahmer, premier ouvrage paru en français de Derf Backderf, qui en langue anglaise avait été précédé par Punk Rock et Mobiles Homes. Succès oblige, l’éditeur Ça et là a choisi plus tôt cette année d’offrir aux lecteurs la version française de cette première lancée de Backderf dans le « graphic novel ». Considérant la qualité de Mon ami Dahmer, considérant l’admiration partagée par moult autres lecteurs pour ce titre (qui l’aura d’ailleurs amené à recevoir le prix Révélation à Angoulême 2014), difficile de ne pas avoir le désir, modulé d’une certaine impatience, de porter les yeux vers Punk Rock…
Résultat? Positif. Punk Rock et Mobiles Homes, c’est un récit initiatique. C’est l’histoire d’un jeune homme, à la marginalité bien mise de l’avant et assumée, à la recherche de lui-même, obnubilé par ses rêves et fantasmes… Au fil d’une année, il prendra goût à la réalité. Au contact de la musique punk des années 1980, il trouvera sa route.
Pour les amateurs de musique, le livre est truffé de références (l’auteur suggère même de lier l’écoute de l’album à une playlist qu’il a mise sur YouTube). Au fil des pages, ses personnages plutôt antipathiques prennent du galon, gagnent en richesse et dimensions, conquièrent le lecteur. Le tout appuyé par un dessin dans la veine de ce qu’on connaît de Backderf, dans un style construit au contact de l’underground américain. Sans nécessairement être aussi efficace que Mon ami Dahmer (comparaison oblige), il va s’en dire que Punk Rock et Mobiles Homes vaut tout de même largement le détour.
Stéphane Colman et Éric Maltaite
Choc 1 : Les Fantômes de Knightgrave
Dupuis
Ici, la couverture devrait dire quelque chose aux lecteurs de Tif et Tondu. Il s’agit, en fait, d’une extension de l’univers de la série, et d’un spin-off également. Quatorze ans après le décès de Will (qui avait dessiné Tif et Tondu pendant près de 40 ans), son fils Éric Maltaite a décidé de plonger dans l’univers de la populaire série. Mais pas au profit du héros, non : le vilain plutôt, « l’ennemi public numéro 1 » de cet univers dessiné, Monsieur Choc.
Au fil des planches, on découvrira donc les origines de ce personnage emblématique (dont, d’ailleurs, on n’a jamais vu le visage, toujours portant un heaume chevaleresque et un smoking). Le tout bâti à la façon d’une « origin story » somme toute assez classique : naissance, enfance difficile, adolescence tragique… Disons que pour justifier la méchanceté de leur protagoniste, les auteurs ne se sont pas limités en matière de pathos, bien au contraire. Tout y est. Et plus. Pour ceux qui apprécient particulièrement l’univers de Tif et Tondu, on appréciera peut-être un brin ces justificatifs. Pour d’autres (dont je fais partie), on les trouvera plutôt un bon gros, un peu excessif, un brin stéréotypés également. Mais bon : reste que la construction de tout ça demeure solide, que chaque élément sert, plus loin, un autre épisode de cette genèse…
Donc, bien dessiné, bien monté, bien rythmé, Choc, premier tome, reste efficace. La lecture est loin d’être agréable, même si on a toujours cette impression de déjà vu face aux différentes tragédies qui affligent le futur ennemi public numéro 1. Peut-être que le second tome de ce diptyque effacera cette impression? Qui sait. Ne reste plus qu’à attendre pour porter jugement…