J’ai croisé l’animateur des Rendez-vous de la BD, Michel Giguère, tout récemment.
Il planchait sur sa prochaine rencontre, le 15 octobre, 19h, à la bibliothèque Gabrielle-Roy, autour de la thématique de l’édition 2014 du festival Québec en toutes lettres (« Doubles et pseudos »). Une thématique qui, après une certaine réflexion (car, on s’entend, il n’y a pas beaucoup de millage à faire sur l’idée des pseudonymes en bande dessinée, même s’ils sont légion), il a choisi de s’intéresser aux transpositions, du roman à la BD.
« Encore là, reste que même en me donnant cette thématique il fallait que j’épure… Des œuvres littéraires adaptées en BD, il en existe des tonnes! J’ai choisi d’écarter les recueils de poèmes, les chansons et les pièces de théâtre, pour conserver seulement les romans et les nouvelles… En fait, « seulement », c’est une façon de parler! En fait, juste au fil des 25 dernières années, la croissance de la production est telle que peu importe le sujet, il y a assurément surabondance de titres », explique-t-il.
Il faut dire que, du point de vue éditorial, il y a toujours ça et là cette volonté d’utiliser la bande dessinée comme « passerelle » vers la littérature, tout particulièrement pour les jeunes lecteurs. « D’ailleurs, encore aujourd’hui ça reste une tendance observable. J’en prends à preuve la section du site des éditions Delcourt qui propose, à l’usage des enseignants, des dossiers pédagogiques avec pistes d’analyse des titres de leur collection Ex Libris, qui regroupe plusieurs adaptations de classiques, adaptations malheureusement inégales », observe Michel Giguère.
Cela dit, lui, le défi reste d’aller plus loin que ce type d’adaptation. « Oui, il y a encore ça, mais il y a aussi plus que ça! Depuis des années, on voit des transpositions engendrées par l’envie de tel ou tel bédéiste de proposer son interprétation d’un roman ou d’une nouvelle, une envie créatrice de se l’approprier. »
Évidemment : je lui ai demandé des exemples!
Les titres qu’il m’a cités? La Cité de verre de Mazzucchelli, d’après Paul Auster (« magistral »). L’Invention de Morel de Jean-Pierre Mourey d’après Adolfo Bioy Casarès (« hypnotisant »). L’Attentat de Dauvillier et Chapron, d’après Yasmina Khadra (« puissant »). Dr. Jekyll de Kramsky et Mattotti (« déroutant »). Ou encore le Peter Pan de Régis Loisel.
Évidemment, qui dit adaptation, dit aussi (dans une certaine mesure), trahison. « Comme au cinéma, il faut non seulement accepter, mais souhaiter que la transposition va offrir autre chose. Un rythme, un autre langage, une vision propre à un artiste-conteur, avec ce que ça implique de scènes escamotées, de passages sacrifiés, de segments contractés, de personnages écartés… », conclut Michel Giguère.
Une question s’est spontanément dessinée, tel un ricochet par la bande…
Avec toute cette foison d’adaptations, faut-il alors en déduire un sous-jacent manque de bons scénaristes? De conteurs inspirés et originaux?
L’époque actuelle serait-elle moins créatrice que ce qui aura déjà été le cas dans la grande bulle de la BD?
Pas particulièrement drôle ça, Tonnerre de Brest!