Il regardait Envoyé spécial en faisant la lecture de L’Odyssée d’Homère.
Au programme, un reportage sur les réfugiés clandestins, ceux qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie pour trouver une nouvelle vie, ailleurs. Il est touché, ému, par ces récits. Et ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre le documentaire et le livre qu’il tient dans ses mains… quant à l’idée du périple, oui, mais aussi sur ce côté qui peut sembler – au premier abord – plutôt anachronique, dans le déplacement se faisant par bateau, dans les périls associés, alors que d’autres font l’espace de quelques heures le même trajet – sans risque – par avion.
C’est là, en partie, l’amorce du travail de Léopold Prudon sur ce qui allait devenir De l’autre côté.
Un projet ambitieux, certes, surtout si l’on considère que c’est là le premier album de l’auteur, dessiné au fil de ses études, au gré de quelques années de travail.
Il choisit rapidement de mettre de côté la dimension « documentaire ». Il choisit plutôt le témoignage inventé. En s’inspirant de récits et d’écrits journalistiques, il invente une destinée qui – on l’imagine – aurait pu être celle de l’un de ces nombreux humains qui ont fait le même parcours. Il choisit de ne pas trop en dévoiler. De ne pas trop en dire. Et, surtout, de ne pas tomber dans le pathos. Son trait est efficace. Son histoire est linéaire. Tout est clair, précis.
Et, dans cette clarté, il se laisse une part de « rêve », d’imaginaire. Une part d’images fortes.
Un poisson émerge de l’eau, aux côtés du bateau, devant son personnage central : la case s’élargit peu à peu, alors que le lecteur découvre les profondeurs sous la coque du navire et les monstres qui peuplent notre esprit face à cet inconnu. Plus tard, un camp de réfugiés, la nuit, alors que le sommeil a envahi les esprits, rappelle tant les flots de la mer qu’une masse de corps – il faut dire que, faute de literie, les réfugiés y dorment dans des sacs de plastique, dans des body bags…
De l’autre côté, c’est un livre efficace, simple, qui nous fait prendre état du parcours des réfugiés – de leur réalité autant que de leurs espoirs…
Pour en savoir un peu plus sur l’album – édité aux Enfants rouges – je vous propose un petit échange que j’ai eu l’occasion d’avoir avec Léopold Prudon, d’une durée de presque 20 minutes :