Avec la fin annoncée de l’année 2015 viens le temps des bilans et des recommandations. Quels ont été – pour moi – les titres marquants au fil des douze derniers mois?
Après avoir porté un regard, hier, sur la production issue du travail d’auteurs hors-Québec, je vous propose aujourd’hui de me lancer dans un petit survol de la production québécoise de 2015. Il va s’en dire, les douze derniers mois ont été intéressants pour l’amateur de bande dessinée, avec une production de belle qualité offrant une belle variété, au fil d’albums édités tant ici qu’en Europe.
Donc, ces prémisses étant établies, passons au cœur de l’affaire…
On commence avec quelques mentions honorables :
- Les Nombrils T7 : Un bonheur presque parfait, de Delaf et Dubuc (Dupuis)
- C’est pas facile d’être une fille T2 : Ça va bien aller, de Bach (Mécanique générale)
- Whitehorse, première partie, de Samuel Cantin (Éditions Pow Pow)
Et en ce qui concerne mes coups de cœur?
Far Out T2
Olivier Carpentier et Gautier Langevin
(Studio Lounak)
Les amateurs de Western ont été bien servis en 2015. Du côté européen, avec l’excellent Undertaker. Du côté québécois, avec le tout aussi succulent Far Out, qui, lui, choisi de métisser les racines du genre avec de la science-fiction. Premier contact avec l’univers Far Out? Le dessin, les paysages, les décors, richement exécutés par Olivier Carpentier. L’Ouest futuriste qui nous y est proposé est finement exécuté. Et, au fil des pages, la mythologie imaginée par les auteurs est tranquillement bâtie – quelques questions, quelques réponses, en route vers le punch final. Un monde de robots qui vivent à la façon de cowboys. Un peu de shamans indigènes. Une prophétie et une quête. De beaux ingrédients pour l’amateur de Western ou de mystères, qui nous fait attendre joyeusement la suite!
Paul dans le Nord
Michel Rabagliati
(La Pastèque)
Ce n’est pas une surprise : au fil des opus, Michel Rabagliati nous offre toujours du solide. Et pour le lecteur, c’est toujours un plaisir de voir un Paul dans la liste des publications à venir. Pour Paul dans le Nord, l’auteur nous propose un « nouveau visage » de son protagoniste et de son autofiction : le Paul en crise d’adolescence. Irritable. Irascible. Amoureux. Paul dans le Nord, c’est l’histoire du premier amour (et de la première peine d’amour), tout autant qu’une histoire d’amitié « entre gars » nouée autour du sport, de la mécanique… et des filles. Le tout exécuté d’un trait classique et maîtrisé, qui nous offre au fil des planches plusieurs belles séquences – une tempête de neige et un hommage à Little Nemo’s Adventure in Slumberland en tête. Une belle occasion de replonger dans l’univers de Rabagliati, et de retrouver, le temps d’une histoire, le Québec de 1976.
Ping Pong
Zviane
(Éditions Pow Pow)
Il n’y a pas deux BD comme Ping Pong qui ont été publiées cette année, ça, c’est clair. Ping Pong, c’est un dialogue, un échange. D’abord entre Zviane et elle-même : le récit original avait été autopublié il y a quelques années. À l’occasion de sa réédition chez Pow Pow, Zviane offre une version « annotée » de son récit, question de profiter de l’espace disponible en marge. Il faut le dire – il s’agit d’un récit sur la nature de la création et de l’accomplissement, sur la passion et le travail (pour faire bref). Résultat : l’opinion engagée par l’auteure avait évolué au fil du temps et elle s’est ainsi donné l’opportunité de réagir à celle-ci. Dialogue entre Zviane et d’autres auteurs invités, qui eux contribuent « en annexe » au récit avec une réflexion de leur cru, en lien avec des propos soulevés par Zviane au fil des pages. Et, enfin, dialogue entre l’auteure et le lecteur, unis par ce regard et cette réflexion autour de ces perpétuelles « croisées des chemins » rencontrés au fil de l’existence. À lire.
La petite patrie
Julie Rocheleau et Normand Grégoire, d’après Claude Jasmin
(La Pastèque)
Le trait de Julie Rocheleau est tout simplement superbe. Voilà. C’est dit. J’avais craqué pour son travail sur La colère de Fantomas. Et voilà qu’à nouveau, je craque pour sa mise en scène et pour son dessin dans cette adaptation du La petite patrie de Claude Jasmin. Un plongeon dans le Québec du temps des années 1940. Un regard dans le quotidien d’un enfant et de sa bande, d’anecdote en anecdote, qui jouent à la guerre dans les ruelles, qui tombe « en amour » avec la petite voisine, et le reste. L’adaptation du roman par Normand Grégoire cible l’essentiel et la mise en scène de Rocheleau nous transporte, littéralement, dans l’univers de l’époque faisant de l’ensemble un récit fort réussi, et ajoutant un nouveau tour de force graphique au palmarès déjà riche de Rocheleau.
Promise T3 : L’incube
Thierry Lamy et Mikaël
(Glénat)
J’imagine que l’inclusion ici de Promise n’est pas une surprise. Après tout, j’ai bien mis le tome 1 et le tome 2 dans mes « coups de cœur » de fin d’année en 2013 et 2014. Et ici, le tome 3 mérite une nouvelle fois l’inclusion, sans heurts. Pourquoi? D’abord, parce qu’il vient bien terminer cette série, parce que les auteurs ont pris le parti d’aller jusqu’au bout du crescendo qu’ils ont mis en place au fil des premiers tomes. Ensuite parce que le dessin et la mise en scène de Mikaël sont toujours aussi maîtrisés, réfléchis, sentis. Propre à nous faire sentir l’angoisse au fil des planches, au gré d’un tome un peu plus sombre, un peu plus gris, où la tempête fait souvent rage. Toujours à saveur de huis clos, évidemment. On a donc ici une belle conclusion pour une trilogie fort réussie.