2015 serait une « année de rationalisation » en bande dessinée, selon le rapport du secrétaire général de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée, Gilles Ratier.
Rationalisation? « En cette période d’instabilité politique, où les assassinats des dessinateurs du journal Charlie Hebdo au début de l’année sont encore dans toutes les mémoires, les acteurs du 9e art cherchent à maintenir les positions durement acquises en matière de parts de marché. Ils ralentissent quelque peu leur rythme de production ou adaptent leur politique éditoriale, en misant sur les valeurs sûres : d’où la conception de revivals modernisés ou le lancement de nouvelles séries référencées. Tout est fait pour satisfaire les goûts du plus grand public pour ne pas risquer de perdre des places dans les linéaires des librairies, quelquefois au détriment de la création et de l’innovation. »
Au programme en Europe en 2015? 5 255 livres de bande dessinée publiées, dont 3 924 nouveautés, ce qui représente un retrait de 2,9% par rapport à 2014… C’est d’ailleurs la deuxième fois, dans les 17 dernières années, où la production BD connaît un recul. Cette production est portée par 368 éditeurs, « mais 3 puissants groupes et 12 autres importantes structures dominent l’activité du secteur, en totalisant 68,6% de la production ».
De cette production, Gilles Ratier évalue que c’est 1 399 auteurs qui réussissent à vivre de la création de bandes dessinées sur le territoire francophone et européen, alors que 1 602 dessinateurs ou scénaristes ont publié un album en 2015.
Il faut dire que sur les 5 255 titres répertoriés, c’est 2 305 qui sont des productions étrangères, en provenance de 35 pays. De cet ensemble, 1 501 proviennent d’Asie et 524 des États-Unis, ce qui représente 87,6% des titres disponibles en traduction. En fait, en excluant les rééditions, les recueils d’illustration, les titres disponibles en traduction ou les essais, on remarque « qu’il n’y a eu que 1 421 véritables créations de bandes dessinées en Europe francophone pendant l’année 2015, soit 27,1% de la production globale d’albums, ce qui en fait 64 de moins qu’en 2014 ».
Côté ventes? « D’après les données de Livres Hebdo/I+C, les ventes en valeur ont progressé d’environ 3,5% sur les 9 premiers mois de 2015, soit un point de plus que la moyenne de l’ensemble du marché du livre ». Cependant, comme dans toutes les autres industries culturelles, c’est un nombre restreint de titres qui va canaliser l’essentiel des ventes. « Cette année, on en comptabilisé 88 tirés à plus de 50 000 exemplaires et 63 d’entre eux appartiennent au domaine franco-belge. »
Ainsi, quels seraient les tirages les plus importants de 2015? Astérix, Titeuf, Le Chat, Corto Maltese, Largo Winch, L’Arabe du futur, Les Vieux fourneaux, Les Légendaires et Les Nombrils. Du côté des comics, le tirage le plus important de l’année demeure, une nouvelle fois, la série Walking Dead. En ce qui concerne les mangas, « le podium est toujours squatté par l’habituel trio de tête », c’est-à-dire One Piece, Naruto et Fairy Tail. Une ombre au tableau toutefois, souligne Gilles Ratier : « Les chiffres de tirage des locomotives du secteur continuent de diminuer, une baisse qui s’explique, en partie, par le fait que les éditeurs ajustent mieux leurs coûts en imprimant ce qu’ils espèrent être les ventes d’une première année de mise en place, le perfectionnement des machines d’impression permettant des retirages plus rapide et pour un coût moins important qu’autrefois. »
En terminant, le secteur numérique reste marginal en BD. « Le passage à la bande dessinée numérique a donc toujours du mal à trouver ses marques », note Gilles Ratier. Cela dit, les ventes continuent de se développer, tout particulièrement dans le domaine du manga.
Pour lire l’intégrale du rapport Ratier, c’est sur www.acbd.fr.