Enseigner la bande dessinée au secondaire, pourquoi pas?
Après tout : la BD n’est pas un genre littéraire, elle est un médium, un langage. Pourquoi ne pas, ainsi, placer des titres de bande dessinée aux côtés de romans ou de recueil de poésie au cursus de littérature du premier et du deuxième cycle du secondaire?
Une proposition d’intérêt?
Oui, selon Marie-Hélène Marcoux, conseillère pédagogique et auteure de l’ouvrage La BD au secondaire, aux éditions de la Chenelière.
Pourquoi?
Parce que la BD a la cote auprès des adolescents (après tout, selon l’OCDE, c’est le médium qu’ils lisent le plus, après les journaux). D’abord. Puis parce que c’est un outil de plus, une porte d’entrée de plus, pour amener toujours plus de jeunes aujourd’hui à devenir des lecteurs demain.
À travers La BD au secondaire, Marie-Hélène Marcoux propose une démarche, une approche. À partir de trois titres (Paul au parc et Paul a un travail d’été, de Michel Rabagliati, et Jane, le renard et moi d’Isabelle Arsenault et Fanny Britt, choisies notamment pour leurs thématiques proches des jeunes fréquentant le secondaire), son ouvrage propose un travail de lecture collaborative autant que des parcours thématiques, autant qu’un mode d’appropriation des bases de ce langage littéraire, tant pour les enseignants que pour leurs étudiants. Avec des ponts, évidemment, vers le contenu du programme de formation québécois. Tout ça, pour développer la compréhension et l’analyse d’une œuvre narrative, au sens large.
Bref, une belle – et riche – proposition, qui, peut-être, pourra venir combler un vide, remplir cette absence, et donner une place à la bande dessinée (voire, de la bande dessinée d’ici) dans le développement et l’expérimentation de la littérature au secondaire.
Mais bon, uniquement, ici, que quelques pistes. Question d’aller un peu plus loin, je vous propose un entretien d’un peu moins de 20 minutes réalisé tout récemment avec l’auteure de cet ouvrage publié à l’automne 2015 :
Alors que les matières scolaires, notamment au primaire et au secondaire, ont pour objet principal de fournir un bagage de base à l’étudiant, y compris dans le cas précis de la littérature au niveau de la culture, il me semble que l’idée d’enseigner la bande dessinée ne participe pas de cet objectif.
D’ailleurs, je suis d’avis que certaines choses ne s’enseignent tout simplement pas. La soi-disant «créativité» par exemple. Tout ce qui relève de l’Art. Autant l’écriture, le dessin, la musique et tutti quanti. Et chercher malgré tout à vouloir enseigner ce qui par nature est intangible risque de causer un tort immense aux jeunes exposés à pareille approche didactique.
En Art, l’originalité est la signature de l’artiste. Le moins celui-ci saura sur le «comment» se font habituellement les choses, le plus facile cela lui sera de les aborder d’une manière nouvelle. Cela m’a toujours bien servi en musique ou en matière d’écriture. Ne pas être coincé dans une façon de faire et explorer librement les possibilités dépasse de loin tout apprentissage formaté ou encadrement quel qu’il soit.
Enfin, je termine ce (trop long) commentaire avec une anecdote concernant Paul McCartney. Dans les années 1960, alors que Paul fréquentait Jane Asher, la mère de celle-ci encouragea Paul à suivre des cours de musique en bonne et due forme. Paul étant – comme les autres Beatles – un autodidacte, il hésita… et après un premier cours, il renonça à l’idée d’apprendre comment les choses se font normalement, de peur que cela ne lui nuise et qu’il en vienne à perdre sa touche naturelle.
Heureusement!
Merci ce commentaire, qui, évidemment, mène et ouvre vers un débat plus large.
Par exemple :
– Pourquoi la bande dessinée ne participerait-elle pas à l’établissement d’un bagage de base pour l’étudiant? Devrait-on se limiter à explorer le médium du roman, de l’essai et de la poésie? L’ajout d’un quatrième médium littéraire pourrait-elle contribuer à enrichir et étayer la compréhension de la nature et de la force de la littérature – au sens large – et, de ce fait, enrichir ce bagage culturel?
– L’enseignement de l’art limite-t-il la créativité, ou, au contraire, peut-il donner des bases qui permettent à celle-ci de s’exprimer plus avant? Savoir ce qui a été fait – par exemple – dans la sphère des arts visuels, les explorations qui ont été menées, peut-il venir enrichir la démarche et la réflexion de l’artiste en construction? Comprendre dans quel cadre la démarche artistique s’intègre, en lien avec quels courants et mouvances, peut-elle permettre à l’artiste de mieux présenter son travail et l’esprit de celui-ci? Certains peuvent être des autodidactes de génie, d’autres peuvent trouver avantage à ancrer leur démarche dans l’évolution de leur discipline – à chacun sa méthode et son approche.
– Enseigner la culture aux étudiants de différents niveau n’est pas enseigner la pratique artistique. Dans le cadre de l’entrevue, il est mentionné que la volonté liée à l’enseignement de la BD (ou de la littérature au sens large), ce n’est pas de former des créateurs, c’est de former des lecteurs, dont l’expérience de lecture est enrichi par quelques clés d’analyse et de compréhension.
Évidemment, tout cela est sujet à débat.
J’essaie ici de mettre de l’avant les questions et la nature des débats soulevés dans votre commentaire.
Je suis d’accord avec Monsieur Poirier. Il est très clair dans mon ouvrage, La BD au secondaire, que je ne souhaite pas faire des nos ados des créateurs de BD. Je souhaite en faire des lecteurs attentifs et attentionnés en attirant leur attention sur ce médium qu’il apprécie en mettant en lumière avec eux certains procédés (graphique et narratif) pour mieux lire une BD. Je souhaite en faire des lecteurs pour la vie (et des lecteurs de plusieurs médiums -romans, nouvelle, poésie, chanson, texte de théâtre, etc.-) et non pas des lecteurs opérationnels qui répondent à des questions par écrit pour leur enseignant. Longue vie à ce médium en classe !
Je suis d’accord avec Monsieur Poirier. Il est très clair dans mon ouvrage, La BD au secondaire, que je ne souhaite pas faire des nos ados des créateurs de BD. Je souhaite en faire des lecteurs attentifs et attentionnés en attirant leur attention sur ce médium qu’ils apprécient en mettant en lumière avec eux certains procédés (graphique et narratif) pour mieux lire une BD. Je souhaite en faire des lecteurs pour la vie (et des lecteurs de plusieurs médiums -romans, nouvelle, poésie, chanson, texte de théâtre, etc.-) et non pas des lecteurs opérationnels qui répondent à des questions par écrit pour leur enseignant. Longue vie à ce médium en classe !