On se lance, tranquillement, dans l’automne culturel qui vient de commencer.
Et avec lui, des blogues commencent, tranquillement, à connaître un regain d’activité. Et, côté BD, à Québec, c’est également le retour des Rendez-vous de la BD, proposés mensuellement (et gratuitement) par le spécialiste du 9e Art Michel Giguère.
Prochaine rencontre? Mardi 14 septembre 19h, à la Bibliothèque Gabrielle-Roy.
Sous le thème de l’intime et de l’érotique.
Un sujet qui avait déjà été amené, il y a quatre ans, dans le cadre de ces rencontres – alors un échange avait été réalisé sur le sujet en compagnie de l’auteur Jimmy Beaulieu. Et en amont de la rencontre, une nouvelle exploration sur le sujet s’était essentiellement imposée, de par la variété et la richesse des planches et des auteurs recensés par l’animateur au fil de sa recherche.
Bref, quatre ans plus tard, nous y voilà.
Petit descriptif de l’activité : « Le développement, depuis une vingtaine d’années, d’une certaine bande dessinée intimiste a laissé se profiler, derrière le voile des idées reçues, les contours d’une sexualité qui mettrait l’accent sur le couple, sur le sentiment amoureux ou sur un érotisme non machiste. Pour aborder un sujet toujours perçu comme audacieux, nous avons choisi pour vous de magnifiques scènes. Sans pudeur. »
Un descriptif qui donne l’impression que cette rencontre cherchera à aller au-delà de noms tels Manara, Serpieri, Crépax, Varenne, Forest… Est-ce effectivement le cas?
J’ai lancé la question à Michel Giguère :
« Ces noms sont en effet des exemples représentatifs – voire emblématiques – d’une BD coquine qu’on désignait comme la bande dessinée adulte, dans le sens de « pour adultes seulement ». Cette BD érotique a longtemps été machiste ou, tout au moins, offrait une vision masculine, en ceci qu’elle nourrit essentiellement les phantasmes des lecteurs masculins… Certaines incarnations papier de ces phantasmes sont des femmes émancipées et aventureuses, mais, bien souvent, les scènes s’articulent plutôt selon une dynamique de domination où la femme subit. Elle peut être consentante, elle peut même initier l’affaire, mais la mise en scène ne représente pas vraiment un couple, elle met plutôt au premier plan la nudité de la femme, son plaisir… C’est l’archétype trop répandu de la femme-objet, celle qu’on regarde, qu’on désire, qu’on prend, avec laquelle on joue et on jouit… en tout égoïsme. »
15 suggestions pour l’érotisme en BD
Pour étayer cette idée, spécifions également que – toujours dans le descriptif qu’il a donné à l’activité – Michel Giguère utilise la formule suivante : « La BD érotique était osée… elle est devenue audacieuse ». Lorsqu’on je questionne l’animateur sur cette formulation, elle me lance une série de titres et de références, pour étayer cette évolution.
Il me parle de planches de Blutch, de Rupert et Mulot, de Mattiussi, de Zviane.
Il me mentionne Venin de femmes de Miguelanxo Prado, qui porte un regard sur les moments qui suivent l’acte de « faire l’amour », qui se questionne sur ce qui reste, quand il n’y a plus d’amour.
Il lance au passage les 23 Prostitués de Chester Brown, et sa réflexion sur la relation amoureuse et la relation sexuelle, sur la possibilité de séparer l’une de l’autre.
Des histoires de désenchantement amoureux ou érotique, auxquels il compte au fil de son activité du 14 septembre opposer candeur, émerveillement et innoncence, avec des titres comme La Saison des anguilles de Lapière et Bailly, Habibi de Craig Thompson, jusqu’à l’aberration amoureuse présenté par Tu ne mourras pas d’Edmond Baudoin et Bénédicte Heim – portant sur la relation entre une jeune femme et un enfant. Puis suivent dans ses références les Emmanuel Lepage, Crumb (Adam & Ève), Ylaire, ainsi que Frédéric Boilet. Sans oublier les Le Bleu est une couleur chaude, ou le Blue de Kiriko Nananan.
En allant vers quelques séries qui, elles, décident également de montrer l’homosexualité masculine (« C’est encore un tabou tenace… Pas vraiment l’homosexualité masculine en général, mais plutôt, et plus spécifiquement, la représentation de l’homosexualité masculine », précise Michel Giguère).
Et tout ça, sans oublier la sexualité des personnes âgées.
Un regard sur une bande dessinée qu’on connaît mal, donc. Ou qu’on ne connaît que dans les grandes lignes. Question de voir comment a évolué ce qu’on montre, certes, mais aussi la manière dont on le montre – et comment l’érotisme en BD s’est donc mis, ainsi, en page avec la société d’aujourd’hui, ses préoccupations et ses manières de faire.
Bref : avec l’idée d’aller plus loin que la prouesse physique et la représentation des corps.
« La sexualité, c’est infiniment plus que ça! Elle peut s’exprimer à l’intérieur d’une relation amoureuse ou non. Même si les partenaires ne sont pas amoureux, ils n’en sont pas moins des partenaires! Ce ont deux êtres envahis par le désir, qui se découvrent, s’explorent… Il y a quelque chose de vertigineux à basculer subitement avec une autre personne dans la plus stricte intimité! Par-delà la dimension génitale, il y a plein de psychologie, d’émotions fortes. Pour un auteur ou un créateur, il y a là tellement de matière dramatique, tellement de suspense possible autour de la montée du désir, tellement d’intensité si les amants concluent! C’est fou que pendant des décennies, en BD, ces aspects-là se voyaient si peu exploités! »