Action de grâce.
Je me permets quelques petits regards sur des lectures récentes – ou plutôt récentes.
Et puisque dans ce segment « Carnet de lecture », non seulement j’essaie de parler de trois titres de façon concise, mais également de leur trouver un lien entre eux – aussi ténu soit-il, alors, ce sera des histoires de filles, d’amoureuses et d’épouses que je survolerai.
Premier titre?
Fantasio se marie
J’avais parlé, il y a quelques semaines, du fort réussi L’homme qui tua Lucky Luke, de Mathieu Bonhomme.
Pour ceux qui suivent la planète BD, ces invitations à relire et réinventer l’univers du cowboy solitaire avait été amorcées un brin dans la foulée de celles où divers créateurs l’avait été pour les aventures de Spirou et Fantasio.
En parallèle de la série originale – toujours solide – on a donc eu droit à une variété de nouvelles imaginations, qui sont venues enrichir la mythologie du personnage. Et tout récemment, c’est Benoit Feroumont – l’homme derrière le sympathique Royaume – qui s’est attelé à la tâche. Et, un peu en réponse (peut-être) à une absence toute relative de personnages féminins forts dans l’univers de cette BD, il choisit de placer deux femmes bien différentes au cœur de son récit, intitulé Fantasio se marie, chez Dargaud.
On retrouve donc un Fantasio qui est appelé à s’affairer à la préparation de son mariage plutôt qu’à accompagner Spirou dans ses aventures. Une Sécotine qui, au pied levé, vient le remplacer. Une course poursuite autour d’un mystérieux bijoux qui aurait la capacité de faire rajeunir celui ou celle qui le possède – et ceux et celles qui tentent de se l’approprier, pour de nobles ou de moins nobles fins, selon le cas.
Un récit solide, sympathique, léger et rythmé, dans lequel Feroumont maîtrise bien les outils et personnages à sa disposition. On reconnaît son trait souple, qu’on avait bien apprécié dans le Royaume. Et on découvre avec plaisir la dynamique qu’il a décidé d’insuffler à ces créations, le temps d’un album. Bref, tout pour un agréable moment de lecture, que je vous recommande sans craintes – doublement si vous appréciez déjà l’univers de ces personnages qui, décidément, vieillissent bien.
Le Journal d’Aurore T1 : Jamais contente, toujours fâchée
Puisqu’on parle de femmes et de personnages féminins…
J’y vrais brièvement car, contrairement au Mariage de Fantasio, où je faisait partie du public cible – du moins, de sa partie « nostalgique » et « plaisir de garder un contact avec des personnages de mon enfance », disons que pour ce second titre, je le suis foncièrement moins. Voire pas du tout.
Le Journal d’Aurore, tome 1, Jamais contente… toujours fâchée, chez Rue de Sèvre. Une relecture BD des romans de Marie Desplechins, dessiné par Agnès Maupré.
Choix donc, pour Marie Desplechins, de s’atteler à l’adaptation en bande dessinée des romans qu’elle a écrit. Et choix d’Agnès Maupré pour effectuer la transition – un choix solide sur lequel s’est dirigé la scénariste, après lecture de Milady.
On y suit l’Aurore du titre, au fil de ses tribulations d’adolescence. Mésententes et incompréhensions tout azimut avec sa famille – père, mère, sœurs. Moments de complicité et instants de déchirement avec quelques amies proches. Quête d’un ilôt de tranquilité chez les grands-parents au fil de pensées de fugues. Premiers béguins amoureux, jallonnés de questionnements sur l’identité sexuelle. Tout y est. Bien rendu.
Avec, cela dit, un personnage central qui, comme le dit le titre, est « jamais contente » et « toujours fâchée »… Évidemment : vous me direz que j’ai été averti. Mais cela dit, la nature même du personnage, sa personnalité parfois acerbe, aura rendu le lecteur-non-public-cible que je suis moins attaché à sa destinée, disons. Une représentation de l’adolescence qui, je n’en doute pas, sera fort différemment reçue selon votre parcours personnel, ou encore l’endroit où vous êtes rendus dans celui-ci.
Une lecture qui reste solide, il va sans dire, mais tout de même, une lecture qui a représentée quelques défis pour cet humble chroniqueur.
La Jeunesse de Thorgal T4 : Bersekers
Tiens, et puisqu’on est dans la féminité – que cela me dirige pour le troisième titre.
La Jeunesse de Thorgal, tome 4, Bersekers, de Roman Surzhenko et Yann, d’aprèes l’univers créé par Jean Van Hamme et Gregorz Rosinski, chez Le Lombard.
Féminité? Bon… Le lien est tenu – l’aventure ici se déploie en deux temps. D’un côté, Thorgal et ses compagnons, qui cherchent à retrouver Aaricia et ses compagnées, enlevées. D’un autre, ladite Aaricia – et ses compagnes d’infortune – qui cloîtrée assistent impuissante (du moins, en partie) de la lutte de pouvoir opposant le roi Moldi et la mercenaire Runa. Voilà pour la trame principale.
Côté rendu? C’est dans la lignée de ces séries parallèles qui déploient et enrichissent, actuellement, l’univers de Thorgal. Un scénario efficace. Un dessin bien rendu. Un beau respect de l’univers créé par Van Hamme et Rosinski, de son ton et de sa nature, tant narrative que graphique. En fait : Surzenko réalise là un très, très beau boulot : mise en scène, décors… Vraiment bien fait.
Cela dit, pour ceux qui suivent l’évolution de cette Jeunesse de Thorgal, disons que l’épisode qui nous est ici proposé n’est pas le meilleur de cette suite. C’est réussi, oui. Mais disons que c’est d’abord un album qui s’insère dans la continuité de cette série – et qui doit être lu comme tel – qu’un épisode auquel on reviendra directement, si l’on puis dire.