L’ouvrage est arrivé à moi sans s’annoncer.
Un nouvel éditeur – basé à Québec – BerBer-1313, qui sort coup sur coup trois parutions. Trois BD qui viennent, à leur façon, marquer l’arrivée de l’éditeur sur la scène – ou plutôt, souligner son action élargie, puisque son travail des dernières années s’était surtout cantonné dans sa série (ou saga) Bulle.
Dans ces bouquins, il y en avait eu de format un brin plus réduit.
Couverture souple.
Un petit bouquin en noir et blanc d’un auteur de Québec, Esbé, qui se plait à mettre en scène les quartiers, les commerces qu’il fréquente. D’une brûlerie au Fanamanga.
Au fil des années, Esbé avait surtout exercé son trait à imiter celui des autres – du Fan Art.
Quelques années avant le saut vers la quarantaine, il décide de se lancer. De faire le saut, d’amateur du médium à artisan de celui-ci. Qui, après tout, a dit qu’il était impossible d’émerger après 35 ans? Il décide de s’investir, de développer son style – de partir de ses influences pour trouver sa voix, tant dans le trait que dans la narration.
Le résultat s’appelle Le Boudha brisé.
Une chronique mi-sociale, mi-surnaturelle, pour laquelle il choisit d’aller puiser dans la dernière « grande crise » qu’il a connu – celle de la trentaine. Au cœur de son récit, cette impression de ne savoir où aller, de ne savoir quoi faire. D’être devant un néant existentiel, à seulement exister – sans but ou objectif. D’être confronté à soi-même, de sentir le regard des autres… Mais sans jamais se laisser aller à l’émotion. Cumuler. Accumuler. Jusqu’à l’explosion.
Évidemment, puisqu’il s’agit d’une BD de genre, l’explosion elle, aura – on le comprends – une dimension physique, réelle, tangible. La « dissociation » : l’émergence de notre côté sombre, fait de tout ce qu’on a choisit – volontairement ou non – de réprimer au fil du temps.
Voilà pour le résumé.
Ici on a droit au premier tome d’une série que l’auteur espère voir se répartir au fil de 17 albums.
Un premier crescendo, vers cette « dissociation ».
Et, surtout, un premier tour d’horizon du Québec que Esbé nous propose. Au fil de moments entre amis, de recherche d’emploi, de cafés, de trajets en autobus, de rencontres. Entre échanges amiaux et querelles. Entre narration et dialogues. Entre mise en scène classique et mises en scène librement inspirés du manga. Esbé réussit à nous faire sentir son univers, à nous amener au gré des rencontres et du quotidien de son héros.
Un petit album qui se fait lecture agréable et efficace.
En attendant de voir vers où se premier crescendo nous mènera…
Si, de votre côté, vous avez envie d’explorer un peu plus avant cette BD – en amont d’un passage en librairie – vous pouvez tendre l’oreille vers cette petite entrevue (une vingtaine de minutes) en compagnie de l’auteur, il y a de ça quelques semaines. Voici :