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BD québécoise : Mes 5 lectures «coup de coeur» de 2017

Une nouvelle année se termine.

Et, côté lectures, ce fut une belle année.

Côté québécois? Plusieurs belles découvertes. Vraiment. Là-dessus, je dois le dire : mon taux déficient de publications sur ce blogue est proportionnellement inverse à la qualité des publications de l’année. Disons que j’ai un bon rattrapage à faire (une résolution pour 2018, sait-on…).

Et, qui dit fin d’année, dit évidemment « palmarès ». Les classiques « Top quelque chose ». Difficile de m’empêcher de me joindre au mouvement.

Après tergiversations, j’ai choisi d’y aller avec un « Top 5 ».

Mais attention : un « Top 5 » de coups de cœur. Des lectures qui m’ont happé, m’ont frappé, m’ont fait réfléchir. Et surtout, que j’ai gardé en esprit. Je ne suis pas du tout ici dans le quantitatif. Purement dans le qualitatif – et dans les choix personnels.

Voilà. Important de faire de petites précisions, avant de se lancer.

Les mentions honorables

Mais petite pause avant le grand saut : les mentions honorables.

Des titres que je me suis dit « je pourrais bien les mettre dans mon Top 5 », avant de me dire que je ne les y mettrais pas. Des titres que je veux tout de même mentionner.

esprit-01-coverlrDes titres comme L’Esprit du camp T1 de Michel Falardeau (Studio Lounak). Un titre qui avait joyeusement amorcé mon été littéraire 2017 – une histoire de camp de vacances, entre quotidien et fantastique. Une enquête mâtinée de petits moments et instants. Et surtout, un Falardeau en pleine maîtrise de ses moyens, tout particulièrement dans ses dialogues. Et un premier tome qui, évidemment, donne envie (et hâte) au second.

Des titres aussi comme Longs cheveux roux de Meags Fitzgerald ou Moi aussi je voulais l’emporter de Julie Delporte, tous deux aux Éditions Pow Pow. Deux récits de construction identitaire. La première, qui nous offre une forée dans son intimité, dans des moments clef de son existence qui, côte à côte, l’on amenée à définir sa (bi)sexualité. Un beau récit, à la fois simple et complexe. Une somme de ces instants qui peuvent sembler anodin au premier abord mais qui, au fil d’addition d’instants, viennent forger l’essence de ce que l’on est. Et juste à côté, Julie Delporte qui, elle, nous ouvre les portes de son esprit, et nous expose pour l’essentiel, la construction de sa pensée féministe. Un récit arrivé dans le sommet du mouvement #MoiAussi qui devient outil de compréhension pour les uns, moment de partage pour les autres. Le tout dans un style « journal intime » bien dosé.

Et encore, j’aurais aussi pu insérer dans un « Top 5 » des deux aventures de Bob Leclerc que nous a offert Grégoire Bouchard, du côté de Mosquito, dans la dernière année : Terminus la Terre et Le Cauchemar argenté. Un beau récit rétro-futuriste. Une science solide et bien exposée. Une ambiance qui nous ramène dans l’esprit visuel de la BD des années 50-60. Un dessin touffu, détaillé, riche. Et une bande dessinée dont on a trop peu parlé en 2017 (à mon avis).

Bref, j’aurais pu placer ces titres dans un « Top 9 ». Mais je trouvais que ça faisait plus beau parler plutôt d’un « Top 5 ». Alors voilà pour les mentions honorables.

Le Top 5

5. Extases T1 : Où l’on découvre que le sexe des filles n’a pas la forme d’un X, de Jean-Louis Tripp (Casterman)

arton36242Une belle surprise. Après la superbe série Magasin général, je dois avouer ne pas avoir pensé voir atterrir Jean-Louis Tripp là où on l’a (fort heureusement) retrouvé avec Extases.

C’est que, pour le non-initié, l’auteur a choisi de nous introduire dans son intimité, de nous offrir son éducation et son parcours sexuel. Le premier tome, dont il est ici question, concerne ses années de jeunesse et d’adolescence, autant que les débuts de sa vie de jeune adulte. Il nous partage les premiers contacts avec lui-même, autant que ceux avec le sexe opposé. Cela, sans oublier les expérimentations des premières années, bonnes et moins bonnes. Tout ça, sans tomber – d’un côté – dans le récit érotique ou pornographique, c’est-à-dire qu’on montre, oui, mais sans artifice. Et surtout, avec une grande sincérité. Sans l’impression qu’on cherche à magnifier ou effacer. Appuyé par un dessin à la fois solide et simple.

4. Comment je ne suis pas devenu moine, de Jean-Sébastien Bérubé (Futuropolis)

couv_298418Après Radisson, Jean-Sébastien Bérubé a complètement réinventé son style. Et, lui aussi, nous propose un récit personnel et intimiste. Dans Comment je ne suis pas devenu moine, il nous entraîne vers le passé (récent), à un moment où sa quête de sens l’avait amené à plonger dans la foi bouddhiste. Il nous explique comment il est plongé. Pourquoi. Et nous amène, au fil d’un voyage qui le mène vers le Népal et le Tibet, pourquoi – plutôt que de devenir moine (c’est dans le titre!) – il a choisi d’en sortir. Un récit bien maîtrisé sur le choc entre idéal et réalité. Appuyé par un dessin à l’esprit de croquis de voyage, où se côtoient rencontres, paysages et architectures.

Une opportunité de découvrir le quotidien de ces contrées. Une occasion d’explorer la philosophie bouddhiste. Un moment pour prendre acte de ses dérives, où, à l’image d’autres religions, les considérations bien humaines prennent parfois le dessus sur la foi.

3. VII, de Thom (Éditions Pow Pow)

couverture_viiPour sa première bande dessinée, Thom a choisi de s’intéresser à des thématiques d’importance, un brin philosophiques – la volonté de créer, l’idée de vocation, et les grandes remises en question. Et il a choisi d’aborder ces thèmes par le biais d’une bande dessinée muette. Rien de moins.

Il y met en scène deux personnage – un auteur, angoissé par la page blanche qui devrait amorcer son septième roman à succès et qu’il ne peut démarrer; la Mort, grande fan de l’auteur, qui est prête à tout pour que ledit auteur amorce et complète ledit septième tome. Qu’est-ce qui empêche l’auteur d’avancer? Et pourquoi la Mort tient-elle autant à ce qu’il prenne cette parole? Aurait-elle, elle aussi, quelque chose à dire? S’ensuit alors un récit rythmée et dynamique. Absurde et drôle. Où les mots n’ont pas leur place, où l’on arrive aisément à poser questions et conclusions sans eux. Une première œuvre réussie. Vraiment, vraiment.

2. Betty Boob, de Véronique Cazot et Julie Rocheleau (Casterman)

9782203112407Dire que j’ai commencé l’année en me disant que je n’étais pas un grand amateur de BD muette… Finalement, me voici au terme de l’année, et deux de mes coups de cœurs québécois appartiennent à ce style. Après VII, on se plonge dans Betty Boob. Un récit de reconstruction et de transition. L’histoire d’une jeune femme qui, après avoir subit une mastectomie, doit se réapproprier son corps et son être. Cette image d’elle-même, cette confiance, elle se la recréera à travers le burlesque, au fil d’un récit enlevant, émouvant et drôle, où les moments intimes et coquins accompagnent d’autres séquences qu’un Buster Keaton n’aurait pas renié. Tout ça, avec des couleurs éclatantes et une mise en scène relevée (si vous ne l’avez fait : simplement feuilleter l’ouvrage achèvera de vous convaincre).

Bref, tout les ingrédients sont là pour en faire l’une des meilleures bande dessinée que j’ai eu le plaisir de lire cette année.

1. Vogue la valise, de Siris (La Pastèque)

telechargementDans Vogue la valise, Siris nous raconte son parcours, de la naissance à ses 18 ans. L’histoire d’une jeunesse volée, d’une confiance constamment prise d’assaut, d’une vie vécue sous l’idée d’une épée de Damoclès et la pression qu’elle suppose. Et aussi l’histoire de bouées de sauvetages – le dessin, la musique, les amis – qui sont venues empêcher le naufrage, permettre la résilience. « La Poule » (avatar animalier de l’auteur) perd sa famille à l’âge de deux ans, sorti de son milieu biologique par les services sociaux qui, à l’image de ses frères et sœurs, le confit à des familles d’accueil qui n’ont pas véritablement envie de l’accueillir. Un parcours ponctué de moments riches en émotion, où l’on a d’autre choix que de partager tristesse et désespoir avec le personnage – autant qu’avec l’humain derrière lui. Un parcours qui nous est également raconté sans pathos, avec sincérité, et, surtout avec humour.

Acteur de la BD underground au Québec dans les années 80 et 90, Siris nous arrive ici avec un récit fort, qui, pour moi, s’avère être l’une des lectures BD incontournables de 2017.