Restos / Bars

Auberge des Peupliers : Terre promise

Alors que nous quittons Charlevoix, le ciel tire un rideau de nuages sur ce qui fut une fin de semaine de farniente. Il nous accorde tout de même le temps d’une halte à Baie-Saint-Paul, histoire de flirter avec un bout de migneron à l’Économusée du fromage. Et la pluie, évidemment, nous raccompagne jusqu’à Québec en ce dimanche déjà frisquet, mais tempéré de souvenirs récents…

Imaginez ce vendredi où tout cela commence, à Saint-Aimé-des-Lacs: une vingtaine de joyeux drilles picolant et picorant au bord de l’eau, les plaisanteries et les éclats de rire autour d’un énorme barbecue. Tourne et tourne, au-dessus du brasier, un bataillon de demi-poulets – dodus, dorés et grésillants – pris en sandwich entre deux grilles. Même un végé y succomberait. Plus tard, bien plus tard, à l’heure où le regard chancelle et où les jambes flageolent, nous revoici à Cap-à-l’Aigle, «Le village des lilas», plus précisément à l’Auberge des Peupliers qui vient de remporter le Grand Prix du tourisme.

Mon amie et moi nous retrouvons dans le même petit pavillon de quatre chambres qui nous a hébergés lors d’un précédent séjour, il y a de cela presque deux ans. Je tente d’expliquer à ma compagne qu’une bonne table nous ramène toujours dans une bonne chambre, mais les mots refusent d’être articulés correctement. Elle me conseille de dormir. Un samedi radieux nous accueille au réveil. Il en est de même des sourires, quand la faim nous traîne jusqu’à la salle à manger. Jus de fruits, oufs à tous les modes, jambon, saucisses, fruits, confitures, fromages… bref, tout ce qu’il faut pour nous préparer à ne rien faire, hormis une partie de scrabble peu convaincue, une sieste ronflante et une virée amusante (et pas rentable) au Casino. D’autres sont allés au golf, d’autres encore au musée, mais nul ne manque le rendez-vous de dix-sept heures, la petite gymnastique des apéros (plus faciles à soulever que des haltères) et les canapés chauds ou froids qui nous préparent à l’essentiel: une table d’hôte récemment remaniée, une carte plus souple d’approche, un menu «Dégustation» chaque fois préparé selon l’inspiration du chef et la nature des arrivages…

Manger «santé» sans chaque fois le crier sur les toits, telle semble être la devise dans Charlevoix. Entre deux muscats bien frais, je trouve place pour trois fondues au migneron, un canapé à la mousse de saumon fumé et… deux, puis trois minibrochettes de canard laqué. Cela n’affecte en rien l’attention que j’accorde à la table d’hôte: feuilleté de rognons de veau au crémant de pomme du Minot, pâté de foie maison et ses deux confitures, daim de Saint-Aimé-des-Lacs au porto et bleuets, etc. Un astérisque signale quelques plats (dont ce dernier) comme faisant partie de la «Route des saveurs», concept né d’un accord entre producteurs agricoles de la région et certains établissements de restauration. Curiosités potagères (pommes de terre bleues et betteraves jaunes…), fines herbes, fromages au lait cru, poissons frais, viandes saines…

Et, puisque la théorie ne vaut rien sans la pratique, nous nous retrouvons tous dans la salle à manger, l’appétit alerté et les verres de vin de plus en plus légers à mesure qu’on vous les remplit. Michèle entame les hostilités avec un croustillant à la truite fumée des Smith et au migneron – mais également au poireau, comme le lui révèle sa première bouchée et me le confirme la deuxième. J’ai pour ma part préféré le saumon confit aux épices, fleur de sel grillé et jus d’agrumes, plat d’un goût très fin, semé de ciboulette ciselée, sur lequel on a laissé tomber des pétales de pensées. A ma gauche, Raymond se régale de rognons de veau au crémant de pomme. Et jusqu’au bout de la longue table se succèdent les assiettes diversement décorées de mâche, de ciboulette ou de fleurs. Le Clos du Notaire nous arrose bien tout cela, et l’on n’entend de musique que des voix joyeuses: Lynda, Pierre, Charlotte, Robert, Laurence, Jacques, Joanne…

Ensuite, à mon velouté de légumes aux herbes fines répond le potage du moment choisi par Michèle, une onctueuse crème de gourganes, parfumée, gouleyante comme un vin vieux. Un sorbet à l’eau-de-vie de poire nous remet les papilles à neuf. Au moment même où j’attaque mon petit rôti d’agneau de Charlevoix à l’ail doux et romarin, je vois passer au loin le dessert que je prendrai: nougat glacé au gingembre confit. Michèle a opté pour le daim au goût puissant, nappé d’une sauce corsée et foncée. Blanc de flétan de la Haute Côte-Nord cuit vapeur, pâtes fraîches au pesto, légumes du marché, plateau de fromages au lait cru, délice exquis aux marrons et rhum ambré, éventail de chocolats… Et après le petit déjeuner du lendemain, un massage californien prolonge à sa façon ma grasse matinée bien méritée.

Auberge des Peupliers
381, rue Saint-Raphaël
Cap-à-l’Aigle, comté de Charlevoix
(418) 665-4423
Table d’hôte: 38,95 $
Forfait de deux jours (incluant
hébergement, soupers, petits déjeuners et service): à partir de 162 $ (par personne)