Restos / Bars

Les Bridés : Wok n' woll

On croit souvent (à tort) que la cuisine du Viêt-nam est assez peu relevée. Le fait qu’on ne paralyse pas les papilles sous le feu d’un volcan ardent, comme chez les voisins siamois, ne signifie pas que les plats soient fades. Loin de là! Au Viêt-nam, le piment n’est qu’un acteur de soutien. Il est préférable de faire cohabiter les quatre saveurs que sont le salé, le sucré, l’acide et le piment. Néanmoins, les Vietnamiens l’utilisent aussi fréquemment que les Thaïlandais, les Laotiens ou les Cambodgiens, mais avec ceci de particulier: ils le font avec économie et délicatesse.

Répétition ou tradition, dans la cuisine du restaurant Les Bridés, on file tout droit dans la légèreté et la subtilité, une attitude classique chez les bons cuisiniers vietnamiens. On n’essaie pas d’en mettre plein la vue, mais plein les papilles. D’ailleurs, même si on voulait émouvoir côté esthétique, c’est un peu raté: l’ambiance froide et un peu glauque de l’endroit évoque plutôt un polar français colonial des années cinquante, que même les lanternes de papier et le bouddha doré ne parviennent pas à faire oublier. Voilà un décor «faux Saigon hollywoodien de série B». Pourtant la cuisine, elle, est authentique, autant qu’elle peut l’être dans l’extrême orient du Plateau Mont-Royal.

Un brin astucieuses, les saveurs sont ici marquées avec une finesse remarquable. Les plats familiers – je pense surtout aux brochettes -, qui font souvent l’ordinaire des restos du genre, sont d’une précision rigoureuse, préparés avec des produits dont on goûte la fraîcheur.
A première vue, la carte ne sort pas de l’ordinaire, mais se distingue par la simplicité autant que par un choix intelligent de spécialités. Les Indochinois, qui maîtrisent souvent mieux le cru que le cuit, sont passés maîtres dans l’art de mêler les verdures, les aromates, les herbes, les fruits et les acides comme le citron et le vinaigre de riz. C’est pourquoi les salades sont un peu la gloire de cette cuisine. Celle à la papaye unit le piment frais, la menthe, le basilic et du nuoc mam – vigoureuse sauce de poisson – à ce fruit que l’on consomme généralement quand il n’a pas encore mûri. Rappelant vaguement le goût du concombre, la papaye est rafraîchissante et absorbe agréablement toutes les saveurs.

La salade à l’ananas offre un saisissant contraste entre le sucré et l’acidité intense du fruit et une sauce plutôt salée dans laquelle on retrouve de la coriandre fraîche et une herbe assez peu connue chez nous qu’on appelle le rau-om, qui s’apparente à la verveine mais dont le goût un peu savonneux rappelle le cumin. En plat, le succulent poulet laqué au gingembre fond en bouche tellement il est tendre et juteux. Je me demande même s’il ne contiendrait pas quelque aphrodisiaque, puisqu’on a immédiatement envie d’en commander une seconde portion. Les nouilles croustillantes, à peine cuites, sont servies en nid au milieu duquel le cuisinier a déposé un sauté de légumes bien parfumé. Côté douceurs, oubliez les bananes flasques et sans vigueur trop souvent consommées ailleurs: celles-ci sont fondues et couvertes d’une pâte parfumée et croustillante, nappées d’un délicieux sirop, et couvertes de graines de sésame grillées. Un délice.

Excellente petite adresse où je suis retourné deux fois de suite pour m’assurer que je n’avais pas la berlue. Tout était impeccable – sauf le décor -, et les plats aux parfums très authentiquement vietnamiens méritent vraiment que l’on fasse le voyage. Soyez pourtant avisé qu’on sert, le midi, des tables d’hôte un peu ressassées au personnel des bureaux du quartier; par conséquent, les menus sont moins intéressants que le soir. Comptez quarante-cinq dollars à deux, avec les taxes, le service et un peu de rosé pour arroser tout ça.
Les Bridés
2300, avenue du Mont-Royal Est
596-0600

Le Magique Panda
Je ne sais pas si c’est parce que ce resto a élu domicile au cour du Centre-Sud – et pas directement rue Sainte-Catherine Est – qu’il m’est sympathique; ou tout bonnement parce que sa cuisine est simple et savoureuse, et que son décor insolite, d’aquariums, de lanternes en papier et de bébelles vaguement orientales, est assemblé n’importe comment. Ici, les petits plats sont mitonnés avec soin par un vrai cuistot chinois qui s’agite devant deux woks terriblement chauds et terriblement noirs. Je ne sais pas comment il réussit, seul, à produire autant de plats avec une rapidité étonnante. Mais, dans un endroit aussi minuscule, il ne peut pas tricher: nous le voyons faire derrière le rideau de perles de plastique qui sépare la salle des fourneaux. Et nous jugeons tout à fait délicieux les sautés à la cantonaise (un peu salés tout de même), les soupes, les plats de nouilles croustillantes et le poulet du général Tao, aussi connu et parfumé que celui du colonel Sanders, mais «pas mal meilleur», pour euphémiser. Le service sympa et l’atmosphère friponne rendent cet endroit un peu à l’écart très fréquentable. L’addition est légère: comptez moins de vingt dollars par personne avant les boissons, taxes et service compris.
Le Magique Panda
1349, rue La Fontaine
522-4840