Restos / Bars

Lanterne rouge : L'Asie comme elle vient

Sauf en de rares occasions, je ne suis pas des plus emballés quand il s’agit de cuisine chinoise. Il y a trop souvent loin de la théorie (raffinement, subtilité, équilibre des saveurs) à la pratique (fouillis de légumes crus ou trop cuits, viandes indéfinissables, méli-mélo de goûts et autres accidents culinaires). Et je ne parle même pas de certains buffets chinois (du genre «trois-pour-un») où des affamés en viennent presque aux mains pour des moules élastiques, des cuisses de grenouilles fossilisées et des bébés homards déshydratés. Dès lors, pour endiguer le flot des images négatives, mon amie sait quels souvenirs évoquer, quels points faibles titiller dans ma mémoire: du porc Mu Shu, par exemple, des crevettes au gingembre… Elle m’a d’ailleurs refait le coup, ce matin, à propos de ce nouveau restaurant de cuisine sichuanaise et cantonaise. Je n’avais pas vraiment envie de m’y rendre, mais je n’ai pas eu à m’en repentir. Quelques minutes après notre arrivée, nous voilà appuyés au bar qui fait face à l’entrée. Alors qu’une Tsingtao tente de diluer mes dernières appréhensions, mon amie fait ses délices d’une des cartes plastifiées qui traînent sur le comptoir: quelques soupes, comme il se doit (aux légumes, aux fruits de mer ou aux won ton), puis quelques entrées telles que les petits rouleaux, won ton frits, chaussons frits à la viande (kou-tien) et côtes levées à la sichuanaise. Comme d’habitude, le poulet donne le ton à la rubrique des volailles: en cubes, sauce de piment fort ou à la noix d’acajou; en chop suey ou à l’ananas; à la saveur de gingembre ou avec «pois de nature»… moyennant deux exceptions, cette fois: le canard «Impérial» ou à la sauce «Yu Hsiang». Bière en main, je fais le tour des lieux, un peu moins circonspect qu’à l’arrivée. Tables et banquettes meublent la salle à manger, vaste et même démesurée, dont les bleus sombres du plafond et des tapis se répondent. De nombreux masques de terre se découpent sur le jaune des murs; un peu partout, des plantes vertes jaillissent de grands pots également de terre. Nous prenons enfin place dans l’une des ailes de l’immense pièce. Quelques bouchées servies ici et là jouent le rôle d’amuse-gueule et rappellent, à ceux qui l’auraient oublié, que manger peut être simple et bon: délicieuses crevettes sur canapés, avec sauce à l’orange (moins aigre que douce); won ton frits (légers, croustillants et pas gras du tout), poulet Bon-Bon (sauce aux arachides) et autres victuailles, dont les rouleaux de printemps, qui ne m’ont pas impressionné, et le bouf sésame dont j’ai repris plusieurs fois. C’est un buffet qui suit. Nids d’oiseaux sautés aux légumes, épinards frits, chow mein cantonais (végétarien), riz frit au poulet, crevettes sichuanaises, bouf Hunan et, enfin, la cause de tous les frétillements dont mon amie se montre capable: le poulet du général Tao. Elle le mange piquant, très piquant, et en redemande. Elle reprend aussi du bouf Hunan et pousse la fantaisie jusqu’à manger les longs piments rouges qui semblent fumer même à froid. Pour ma part, je me fraye comme je peux un chemin de sérénité parmi les aliments plutôt… pacifiques. Cela ne s’avère pas des plus aisés quand, dans votre assiette, le sichuanais risque une petite incursion en terrain cantonais. Eau et bière se relaient pour ramener le calme au palais, à mon palais. On vient nous servir, à côté, un petit accompagnement d’apparence inoffensive: des «raviolis won-ton» (!) languides et aussi blancs que du lait, nappés de sauce aux arachides et semés de sésame. Ma fourchette y va faire son tour et me revient, appétissante. Inoffensif, ça? Mon oil!… ou plutôt, ma bouche! A mon amie qui m’interroge du regard, je réponds comme je peux: «Ch’est chichuanais…» Les desserts s’annoncent, je suis sauvé: tranches de pancakes au gingembre, mousse à la mangue ou au chocolat, macarons, clafoutis fraises et rhubarbe. Dehors, le soleil tape fort. La Tsingtao et le chili n’y vont pas de main morte non plus.y

Restaurant Lanterne rouge
419, rue Soumande
Vanier (Québec)
(418) 687-8847
Menu du jour: 7,95 $
Buffet à la carte: 14,95 et 19,95 $