On m’accuse souvent de préférer les petits bouis-bouis ethniques aux beaux restos. Et c’est plutôt vrai. Les raisons, sont simples: d’abord, la cuisine y est moins tarabiscotée et plus près du naturel, elle est souvent – mais pas toujours – authentique et fort goûteuse, et elle ne coûte pas cher la plupart du temps. Trois vertus dont je déplore l’absence chez beaucoup de restos branchés montréalais.
Le décor et le service ne sont pas forts, j’en conviens, mais le plaisir des papilles vaut bien celui des yeux. Cela dit, je continuerai à encourager ces petits restos car ils contribuent à atténuer l’appréhension des «autres» cuisines, et constituent la meilleure façon de décoder l’ethnicité. En outre, ces restos nous font venir dans des quartiers de la ville qu’autrement nous ne visiterions pas. Voici deux exemples.
Shaheen
Au Pakistan, comme en Inde, la cuisine a des relents d’épices mais a ceci de particulier: c’est une cuisine vraiment nordique, influencée par les pasteurs des grandes régions montagneuses. Par conséquent, elle est riche en produits laitiers de toutes sortes; et il ne faut pas s’étonner que chaque curry contienne de la crème, du ghee ou du yaourt. C’est aussi une cuisine à base de blé où le riz, quand il accompagne les plats, n’est qu’une composante parmi les autres. Dans le Nord, on est en fait très pain!
Dans l’ONU de Villeray, Nadim, un Pakistanais dans la vingtaine, a installé son modeste resto dans un ancien deli dont le cadre rappelle davantage Brossard que Rawalpindi. Ici, le patron a mis l’accent sur une cuisine qu’il connaît bien, celle de ses parents et de ses ancêtres. Chaque plat est dosé avec une bonne maîtrise des aromates; et, bien que ce ne soit pas la meilleure et plus raffinée, elle a le mérite d’être une authentique cuisine maison. On retrouve sur la carte les principales spécialités du Punjab, entres autres un korma de bouf cuit dans une sauce riche et délicatement relevée à base d’amandes et de yaourt. Ou encore un richissime curry de poulet kashmiri dans lequel on a mis des fruits secs et frais – ananas, papaye,
raisins – que l’on a fait revenir avec de la crème, du jus de mangue et un assortiment d’épices si bien amalgamées qu’il est difficile de les identifier. On trouve aussi le byriani, un plat de riz garni de viandes et d’épices autrefois servi à la cour des empereurs; des plats de viande marinée et grillée, des pains variés et un assortiment d’entrées dont des samosas. Rien ne dépasse les 12 $ par plat, ce qui inclut la soupe aux lentilles, le riz, le dessert et le chai! Mais attention, pas d’alcool dans ce resto musulman!
7245, rue Saint-Hubert
272-1183
Chalimar
A en croire les fast-foods libanais qui ont poussé comme des champignons à Montréal ces dernières années, certains ont l’ambition de remplacer les MacDos. Remarquez, ce n’est pas plus mal. Contrairement à la chaîne américaine qui persiste à nous empoisonner (l’existence et la santé) avec sa pitance infantile, cette cuisine rapide a du goût. Cela dit, il reste en ville de vrais restaurants libanais de quartier, souvent des entreprises familiales, où la cuisine a un sacré caractère. Et quand je pense caractère je pense à Chalimar, un petit resto qui se tire bien d’affaire depuis près de dix ans. Tous les plats sont faits à la minute par les patrons, autant le hummous que le baba ghanouj, le kibbe naye, l’extraordinaire version libanaise du tartare, auquel on ajoute du blé concassé, du clou de girofle et de l’huile. On trouve aussi la bastourma, une viande séchée rappelant celle des Grisons, des salades fraîches et succulentes, des desserts et des conversations, exquis en tout point. Seul bémol, et il est de taille, on utilise un mélange d’huile de maïs et d’olive «pure» (donc sans goût), ce qui dénature ces formidables préparations car, nous dit-on, les clients autochtones n’aiment pas trop l’huile vierge. Je leur réponds, faites-la leur découvrir! Ou demandez qu’on vous prépare les plats à l’huile extra-vierge et goûtez la différence. Comptez environ une quarantaine de dollars pour deux repas de pacha, deux bières, les taxes et le service.
7180, rue Saint-Hubert
271-5261
Amuse-gueule:
Voici venu le moment où les Fêtes Gourmandes vont refaire leur apparition. Cette année, elles se déploient sur trois fins de semaine: du 1er au 16 août prochain. Un peu fête champêtre, un peu festival découvertes des cuisines du monde en forme de stands en plein air, ces Fêtes sont un rassemblement d’échoppes où la cuisine hésite entre l’authentique et le fast-food de foire commerciale. Mais, pour le plaisir de se promener sur ce très beau site – et avec l’espoir que les organisateurs soient plus vigilants sur la «marchandise» que par le passé, mais surtout qu’ils fassent une meilleure sélection des «exposants» – il faut voir! Nous avons suffisamment de fast-foods en ville, inutile d’en mettre jusque dans les îles!