La cuisine italienne pourra-t-elle réchapper de sa propension branchée actuelle? Difficile, quand un nouveau resto sur deux propose des pastas et des pizzas à son menu. Boiteuse, affranchie de ses qualités essentielles – rusticité et simplicité -, en un mot désitalianisée, cette cuisine, qui devrait nous rappeler les plaisirs naturels de la table, est malheureusement devenue prétentieuse et maniérée entre les mains de chefs sans expérience, et n’ayant souvent pas une goutte de sang italien. C’est un peu comme si une diva chantait un grand air sur de fausses notes! Ça me fait grincer des dents.
Au fond, la cuisine italienne tient à un grand principe: il faut utiliser tout ce que la nature nous offre, et le laisser tel quel ou meilleur, l’exalter par des condiments bien choisis qui respectent le goût et la texture des aliments. Le respect du produit est primordial. Cela ne veut pas dire fermer les yeux sur le monde, mais il s’agit de les garder ouverts sur le terroir.
C’est ce qu’essaie de faire un petit resto du centre-ville, qui vient tout juste d’être rebaptisé Pranzo’s. Ouvert depuis un peu plus de cinq ans par un couple d’Italo-Montréalais, il aurait pu se trouver au milieu des Apennins tant son décor de chalet évoque la montagne. Sa principale vertu est de nous faire oublier que nous sommes bel et bien au centre-ville. Les murs blanchis à la chaux, les lampes rustiques, les affiches baroques, les fioles d’huiles d’olive, la machine à espresso; tout ça contribue à créer une ambiance de restaurant italien à l’ancienne. Ici, le temps s’est un peu arrêté.
Les patrons ont choisi de se remettre en question, puisqu’en changeant de nom ils ont préféré le menu d’une trattoria à celui d’une pizzeria, et ainsi dépoussiéré et ravigoté un peu les vieilles recettes. Sans être une expérience suprême, la cuisine a ici l’avantage d’avoir l’air préparée par des êtres humains. Les salades ont été nettoyées, les soupes et les desserts sont fraîchement apprêtés, et l’absence de tout fla-fla témoigne d’un peu de sérieux. C’est ce que nous attendons d’un restaurant moyen dont les prix sont également moyens. Par exemple, la pasta fagioli, servie en entrée, est épaisse et savoureuse, remplie d’herbes, de légumes et de haricots passés au moulin, et sur laquelle on peut verser un filet d’huile d’olive extra-vierge. Une salade verte toute simple peut servir de solution de rechange, surtout en pleine canicule.
On offre en plat principal un choix de pastas que l’on peut associer à des sauces classiques du genre pesto, marinara, carbonara, vongole, ou encore une sélection de pizzas. Les linguine sont al dente, cuits à l’eau salée et mêlés en cuisine, juste avant de servir, à une sauce marinara très parfumée à l’ail et à l’huile. Ceci est, en passant, la seule façon de servir des pâtes.
En guise de douceurs, on propose une tarte aux abricots à la pâte d’amande, faite maison, absolument délicieuse, accompagnée d’un excellent café. Pranzo’s est la preuve que l’on peut rester simple et éviter l’ajout de pois verts, de crevettes ou de fromage de chèvre à une cuisine qui n’en a pas besoin pour se faire valoir. Comptez une trentaine de dollars pour deux personnes au lunch, avec les taxes et le service, avant le vin.
Pranzo’s
1858, rue Sainte-Catherine Ouest
937-4445
Colbert
Avec un nom pareil, on ne s’attendrait pas à un restaurant italien. Cela dit, je n’ai pas cherché à percer le mystère qui unit l’ancien contrôleur des Finances de Louis XIV et ce restaurant, ouvert depuis plus de vingt-cinq ans et tenu, depuis une dizaine d’années, par la même famille sicilienne. Ce qui est certain, c’est que Colbert montre qu’il y a encore une vie culinaire dans la Petite-Italie – même si on est en transit vers Saint-Léonard. La preuve: l’endroit ne désemplit pas et les accents calabrais et siciliens, les enfants à toutes les tables, les conversations entre les serveurs et les clients signalent la survivance d’un authentique resto de famille.
La cuisine? Tout à fait impeccable quand on sait que la pasta et la pizza – comme tous les autres piliers de la cuisine italienne -, sont ridiculement faciles à réaliser, mais que entre des mains adroites, elles restent affriolantes. Et c’est le cas ici: les plats ont certainement un air rustique, (et une présentation parfois même un peu grossière), mais le goût a la prérogative. Une lotte grillée, fondante, une pizza craquante garnie d’une sauce tomate aromatique, du veau savoureux, des pastas de répertoire classique, tout cela témoigne d’un respect des traditions. Et les plats sont généreux tant en quantité que du côté saveur. Voilà une bonne affaire dans un quartier qui en compte bien peu. Comptez cinquante dollars pour deux personnes, avec les taxes et le service, et deux verres de vin.
Colbert
1235, rue Jean-Talon Est
271-3890