On prononce ça «meu-ven-pick», mais personne ne s’en souviendra dans une semaine. Et, contrairement à Haagen Dasz, qui a un nom à consonance scandinave mais est américain pur bouf, Mövenpick est suisse. Enfin… le concept est suisse. Marié à la sauce torontoise depuis quelques années, et importé à grands frais au centre-ville de Montréal, où on espère que ça fera un tabac, ce resto-concept reste un produit tout à fait unique. Propre comme la Suisse, bigarré comme le Canada et… aseptisé comme Toronto.
Ouvert depuis une semaine seulement, le Mövenpick version petit Québec est le plus gros «au monde», immense espace de 30 000 pieds carrés consacrés à la gourmandise sous toutes ses formes. On trouve là de quoi faire le marché, on peut y acheter des produits communs – lait, pain, jus, fruits et légumes – et des produits aussi fins que du beurre biologique. Un peu plus loin on tombe sur plusieurs stations aménagées comme des comptoirs à spécialités tout à fait indépendantes: fruits de mer, grillades, pizzas et pâtes, desserts, vins et bières, sushis, salades. L’idée étant d’assembler un repas en allant d’une station à l’autre, un peu comme on fait dans une cafétéria ou dans les cours alimentaires; à la seule différence que les plats sont faits sur place, à la minute, devant vous. Vous vous déplacez ensuite dans des espaces réservés qui, dans leur décor, imitent – et très bien même – une trattoria italienne de campagne, un bistro parisien ou une terrasse sur la Méditerranée. Hyper stimulé par tout ce monde, toute cette activité et toute cette fraîcheur, on court d’un endroit à l’autre, un peu comme on le fait encore en Europe dans les marchés publics. Mais à la Place Ville-Marie, cela se fait plutôt à l’échelle McDonalds qu’à celle d’une foire agricole.
Côté cuisine, les produits sont à peu près tous frais, et d’assez bonne qualité, tant les poissons que les légumes et les pâtes; mais les cuisiniers (tous jeunes) suivent des recettes absolument conformes et identiques, ce qui enlève un peu de spontanéité au résultat. Pourtant, j’ai mangé un bon saumon aux poireaux, sans assaisonnements, mais délicieux ainsi. Et des pâtes qui manquaient un peu de goût mais étaient tout à fait convenables. Les huîtres sont délicieuses, les salades, un peu fades, les rösti suisses demeurent graisseux, et les desserts à l’américaine, lourds et pâteux. Non! ce n’est pas de la haute gastronomie, mais c’est infiniment mieux que toute la pâture industrielle fruste que nous imposent les fast-foods du centre-ville. Tout ce qui mettra des bâtons dans les roues à ces derniers me ravit; et, en ce sens, Mövenpick tire dans le mille. Nous sommes quand même dans une cafétéria, de luxe certes, mais une cafétéria tout de même. Rien de plus, rien de moins. Cette expérience devrait vous coûter une douzaine de dollars par personne, si vous ne buvez pas de vin. Ouvert de 7 h à 22 h.
Mövenpick
1, Place Ville-Marie
861-8181
3 Amigos
Je baptiserais «cuisine frontière» la cuisine de ce 3 Amigos. De toutes les cuisines que l’on trouve aux États-Unis, c’est la seule qui soit encore digne d’intérêt. Bon, d’accord, il y a eu (et j’insiste pour utiliser le passé) des cuisines régionales très intéressantes aux States – dans le Nord-Est et le Deep South surtout, et c’est bien normal dans un creuset où toutes les cultures se sont rencontrées et fusionnées -, mais elles ont été absorbées et presque éliminées de la mémoire collective depuis les années soixante, dans la commercialisation croissante de la nourriture, le surgelé et la prédominance du fast-food. Il reste des miettes de cet héritage, en Floride et en Louisiane, et surtout dans les anciens États hispaniques comme l’Arizona, le Nouveau-Mexique, et la Californie du Sud. C’est justement la cuisine de cette dernière que l’on retrouve dans ce joli bistro du centre-ville. Cuisine honorable, qui mérite mieux que l’habituelle version Taco Bell, la tex-mex est amusante et pittoresque, tout en restant simple. Elle mêle et entortille dans des tortillas sèches ou fraîches des légumineuses, des légumes, des viandes grillées, des herbes aromatiques et des laitages. A cette adresse, les plats sont généreux, débordent de saveurs, sont parfaitement bien assaisonnés et me réconcilient sans effort avec cette popote souvent galvaudée, qui oscille entre l’effroyable et l’inventif. Ici, tout est fait maison, de la salsa qui accompagne les petits nachos bien craquants aux sauces pimentées qui font office de condiments autour des platées de tacos et de burritos élus pour constituer notre repas. Ces derniers sont accompagnés de la nécessaire purée d’avocats, de haricots rouges en purée, de crème sûre et d’une chiffonnade de laitue. En dessert, on sert une monstrueuse (et très cochonne) portion de gâteau au chocolat qui, cette fois, ne réfute pas sa paternité yankee. Le service sympa, les prix décents, et l’ambiance très San Diego rendent ce bistro tout à fait fréquentable. Quarante dollars pour deux, deux margaritas en apéro compris.
3 Amigos
1237, rue Guy
939-5990