Restos / Bars

La Bergamote : Les grands classiques

On le sait, la cuisine française est en pleine métamorphose. On dit pourtant qu’en cuisine on n’invente rien. Quand la nouvelle cuisine est arrivée, dans les années soixante, la cuisine française étouffait sous la crème et le beurre, et ignorait (volontairement) le règne végétal. Dans les années quatre-vingt, on redécouvrait le monde des épices et le monde tout court. Après deux cents ans de dictature sur le «goût», il fallait bien se remettre en question, au risque de périr.

C’est encore plus vrai aujourd’hui. Désormais, la cuisine française se tourne donc vers le soleil, vers le Sud, et cette permutation n’est pas étrangère à la popularité de la cuisine italienne. Aujourd’hui, la grande cuisine française tend à vouloir simplifier et à épurer les saveurs et part du produit frais, du goût que la nature lui a donné. Elle remplace les ingrédients lourds et difficiles à digérer du Nord par les produits de la Méditerranée – ail, tomates, basilic, huile d’olive, riz -, et fait oublier qu’il n’y a pas si longtemps, la majorité des restaurants montait ses sauces au beurre, les allongeait de crème, et mettait sur chaque plat des pommes de terre vapeur et des épinards trop cuits.

Cela n’empêche pas plusieurs restaurants de continuer à servir de la cuisine bourgeoise. Certains la réussissent même très bien. Par exemple, La Bergamote est justement le genre de restaurant qui perpétue la tradition de la cuisine à l’ancienne. Les sauces sont à base de crème, les légumes, classiques, les viandes, préparées à la façon d’Escoffier. Pourquoi donc résister à cette tendance qui allège, qui remplace le beurre par l’huile d’olive? Parce que c’est bon quand c’est bien fait! Et aussi parce qu’il y a peut-être quelque chose de mythique dans cette cuisine qui a ses adeptes et qui reste nostalgique d’une grande époque.

Installé dans un demi sous-sol à l’est du Plateau, sobrement décoré de belles affiches sur des murs faits de briques et de pierres naturelles, La Bergamote associe de manière intéressante l’ambiance de la campagne et celle de la ville, le bistro et le restaurant. Sans être formel, le sérieux de la maison se fait ressentir, sans toutefois glisser dans l’austérité. L’accueil est souriant, le service, efficace et attentionné, et la cuisine soignée du chef Michel Smith travaille le répertoire le plus classique avec une bonne maîtrise des parfums. Il n’en faut pas davantage pour lui assurer une fidèle clientèle qui se précipite chez lui, tous les midis et tous les soirs.

Si le menu n’apporte pas grand-chose de neuf – on s’y attendait -, il propose une sélection de mets qui a de l’esprit et de l’exubérance. La mise en bouche, une succulente terrine maison à la chair grossièrement hachée fait patienter, le temps que le chef prépare une salade de chèvre chaud. La tranche d’un fromage français de bonne qualité qui me rappelle le Bilou du Jura est bien fondante, à la pâte un peu piquante, et on la sert sur quelques feuilles de frisée, nappées d’une excellente émulsion à base de vinaigre de Cabernet Sauvignon. Le contraste est saisissant. Classique association, cette salade est souvent banale lorsque le fromage utilisé est inintéressant. En plat, le ris de veau au porto s’accompagne de pommes tournées et braisées, de pois gourmands vapeur, et d’une sorte de rissole de betteraves jaunes hachées et assaisonnées de pesto. J’aurais laissé tomber les autres légumes, et abandonné l’idée du pesto. Trop de saveurs différentes dans une même assiette et pas assez de liens entre elles. Le ris parfaitement nettoyé et délicieusement poêlé fond en bouche, et cela, en dépit d’une sauce un peu collante où je détecte un léger goût farineux, mais dont les parfums bien dosés oscillent entre le vin et l’appareil de base. Comme le reste de ce repas, le millefeuille est apprêté selon les règles: de fines couches de pâte, de la crème pâtissière, avec un saupoudrage de sucre glace.

Dans ce mignon petit resto de quartier, où la sobriété n’élimine pas l’élégance, on peut donc faire un très bon repas dans une ambiance apaisante. La cuisine n’est pas révolutionnaire; elle est juste bien travaillée et riche en saveurs. La carte des vins est courte, mais propose une belle sélection de petits crus à prix honnêtes. Comptez une quarantaine de dollars par personne avec un verre d’un côtes-de-provence malheureusement encore un peu fermé.
La Bergamote
2101, rue Sherbrooke est
525-5738

Amuse-gueule
La rentrée, c’est aussi les vendanges. A ce sujet, l’hôtel Inter-Continental invite les gens à venir goûter aux crus d’ici, au cours du deuxième salon annuel des Vins du Québec qui se tiendra dans la ruelle des Fortifications, derrière l’hôtel, le jeudi 10 septembre de midi à 19 h. On demande 5 $ par personne pour l’entrée, une fois sur place on pourra goûter entre autres aux produits des maisons Clos Saint-Denis, Dietrich-Joos, la Sablière.