Restos / Bars

Le Néroli : Cantons en chour

Quand on a inventé la poutine en région, ç’a été comme la découverte de l’atome. Elle nous a collé à la peau telle une mouche noire. Non, la campagne québécoise n’était pas un paradis gastronomique. Jusqu’à récemment. Tout récemment.

Les choses ont bien changé. Dans les Cantons de l’Est, par exemple, il y a eu une explosion de bonnes tables depuis dix ans, de Magog à North Hatley, de Cowansville à Victo. Et pas seulement des restaurants d’hôtels chics ou de centres de ski. Des cafés et des bistros servent maintenant de la cuisine aussi bonne que celle des grandes villes, des pains dignes d’une bonne boulangerie, du chocolat de qualité, de l’express comme en Italie. Bref, si vous prenez la clé des champs, inutile de vous munir du panier à provisions.

Pas exactement un bistro, mais davantage un restaurant dans le sens le plus strict du terme, Néroli est l’affaire d’un couple, Antonio et Christiane DeRose, qui ont décidé de fuir la ville et de s’installer dans le très beau village de Knowlton, la patrie du canard. Pour un restaurateur urbain, les avantages de s’expatrier, mis à part la tranquillité, ne sont pas nombreux. Par exemple, l’accès aux produits fins n’est jamais garanti, et la clientèle est souvent saisonnière. Et, plus souvent qu’autrement, dans le cas de Néroli, elle est même urbaine. Néanmoins, dans la jolie maison du XIXe siècle, qu’ils ont revampée avec beaucoup de soin et de goût, les DeRose ont attiré une clientèle fidèle et exigeante qui sait reconnaître le talent. Sans déjouer complètement le baroque victorien et le faste bourgeois peaufiné, très à la mode dans les Cantons, ils ont repeint l’intérieur de la maison dans des tons doux et apaisants, et n’ont pas cherché à assujettir l’espace à des antiquités. L’endroit est charmant en tous points.

La carte est brève et se rit de l’air du temps et des modes passagères. Le chef travaille plutôt les produits régionaux, auxquels il donne une tournure bien personnelle, tout à la fois créative et solidement ancrée dans la tradition française et du Nord de l’Italie. Les involtini d’aubergine, d’un moelleux sensuel, sont associés à la tomate concassée – leur complément naturel – à peine assaisonnée, tout simplement. La pâte proposée en entrée, les nuvole (les nuages!) aux tomates séchées, est constituée de petits tortillons légèrement mêlés à de la tomate plutôt confite que sèche, donc sucrée et fondante, et nullement figée, qu’on a saupoudrée de basilic fraîchement haché. Le plat de la table d’hôte, une côte de veau ai sassi, a été poêlée à la perfection. La chair rosée, juteuse, a même pris un goût caramélisé. Elle est nappée d’un jus de viande concentré dans lequel se détecte une pointe acide. Le tout est d’une exquise simplicité. L’amusant canard *- nous sommes au lac Brôme, il le faut bien – est servi découpé en aiguillettes fines, sur lesquelles on a déposé des figues fraîches à la peau jaune et à la chair rose et succulente. Non seulement cela est-il charmant, mais les saveurs sont tout à fait compatibles, les puretés de goût, parfaites, et les cuissons sont accomplies au degré près. Les accompagnements de légumes, quant à eux, sont sobres et savoureux. Voilà ce qui s’appelle respecter le produit!

En dessert, on propose des douceurs inhabituelles dont un soufflé au noix aérien, compromis entre le gâteau et la mousse sans aucune lourdeur.

Si la cuisine du signor DeRose n’a rien de fou, rien d’audacieux, c’est dans le traitement lumineux et simple des produits qu’il faut en trouver la beauté. Le personnel de salle est aimable; la carte des vins, courte mais bien travaillée. On sort de chez Neroli avec le sentiment d’avoir mangé dans une grande maison. Et pour deux personnes, 70 $ tout compris avant le vin, ce n’est pas mal non plus.

Le Néroli
36, rue Victoria, Knowlton
242-2777

Boulangerie Owl’s Bread
Quand je suis allé à Mansonville pour la première fois, il y a peut-être une dizaine d’années, il n’y avait strictement rien à manger qui ne soit empaqueté ou surgelé. Tout, le pain, les terrines – quand il y en avait -, les produits laitiers; tout, donc, jusqu’aux légumes et aux fruits, avait été touché par l’industrie. Il a fallu que Denis Mareuge installe sa petite boulangerie et lui annexe un bistro, qu’il peaufine le tout au cours des ans, pour que change la carte géo-gastronomique de cette très belle région frontalière avec le Vermont. Le Owl’s Bread, c’est la perle boulangère des Cantons. On vient de loin pour la baguette craquante à la mie parfumée, pour le pain de campagne ou la miche au levain de qualité. Mareuge fait courir tout le beau monde de la région, et draine même quelques Américains. Au bistro, on retrouve le même souci de qualité. Il propose un répertoire classique dans lequel figurent des soupes succulentes (un gaspacho d’enfer, entre autres), des sandwichs, des pâtes, des assiettes de rillettes ou de terrine maison et parfois des plats cuisinés. Tout est préparé avec un soin impeccable, dans un décor charmant et bien aménagé. Comptez 25 $ pour deux repas, avec les taxes et le service, mais avant les boissons.

Boulangerie Owl’s Bread
299A, rue Principale, Mansonville
(819) 292-3088