Restos / Bars

Paris-Brest : A veau marques

Les «accros» du beau temps se soucient peu que le fond de l’air soit un peu frais; ils dînent sur la terrasse, non loin du trottoir où déambulent encore quelques touristes. Une brève réflexion suffit à me convaincre qu’il doit faire plus… normal à l’intérieur. De grands miroirs ajoutent à la profondeur de la salle à manger aux murs ensoleillés de jaune et éclairée à giorno sous un plafond bas. C’est d’ailleurs là que se retrouve le plus gros d’une clientèle composite, employés de bureau, fonctionnaires et autres. On nous a placés, mon invitée et moi, presque au centre d’une rumeur tissée de conversations diverses et généreusement «lubrifiée» de bière et de vin, autant qu’on puisse en juger d’un coup d’oil. On nous apporte la carte, une carte soignée, aussi bavarde que je le souhaitais: entrées froides, entrées chaudes, potages, salades, poissons et crustacés. Je fais halte au «Tête-à-tête» gourmand (pour deux, évidemment): carré d’agneau en éventail de légumes, pommes chips et sauce au porto; chateaubriand en garniture de Paris-Brest; suprême de volaille; médaillons de veau de lait glacés au brie; ris de veau au calvados; extravagante côte de veau à l’os… Qui peut rester insensible à tant de sollicitude? Qui plus est, les plats qui passent, simples ou extravagants, laissent dans leur sillage des odeurs chaudes de sauces et de viandes. Mon invitée a eu le temps de scruter les lieux et de piquer une jasette avec une de ses connaissances. La première idée étant la meilleure – je finirai par la croire! -, elle n’a pas longtemps examiné la carte qu’elle referme tranquillement avant d’annoncer ses intentions carnassières: poulet de Cornouailles au vin rouge. J’en suis encore à la mise en condition, soit une petite manouvre d’agace-méninges très utile pour survolter la faim. Aujourd’hui, cela consiste à s’attarder du côté du gibier, dodine de canard (filets d’agrume, sauce douce-amère), émincé de chevreuil à la sève d’érable et framboise, puis à remonter aux viandes rouges. Le tartare de filet de bouf vous amène au cour de filet mignon (sauce cognac au poivre vert), au steak frites, tournedos (aux jeunes girolles), Wellington au jus, entrecôte de Dijon et enfin à l’interruption d’une convive qui en a un peu marre de se tourner les pouces en vous regardant: «Tu as choisi!» Sur un ton exclamatif, une question a toujours l’air d’un ultimatum. Je me hâte donc en faisant semblant de continuer à prendre mon temps. Je reviens au menu du jour que je n’avais pas encore consulté. Une petite entrée qui se pique d’exotisme, tiens! Cela me va. Ensuite? Peut-être les «grosses crevettes aux doux poivrons ivres de tequila»? Joli nom, non? Presque autant que «noix de pétoncles en boléro de moules à la tomate fraîche»… Mais mon choix est tout autre. Quand le personnel n’est pas réduit au minimum et que nul ne tire au flanc, le service ne traîne pas. Mon entrée… exotique m’est amenée dans les meilleurs délais. Il s’agit d’un «beignet de banane plantain et salsa à la mangue». Pas mal. C’est là une façon originale d’apprêter les plantains, mais ce n’est certainement pas la meilleure. Si on ne les a jamais mangées autrement, cela peut passer assez bien, surtout avec cette sauce d’accompagnement. On change résolument de registre quand arrive mon flétan de l’Atlantique aux moules. Les grandes orgues… ou presque! Pour la présentation, imaginez une assiette creuse colorée, garnie de petits choux de Bruxelles et, dressée au-dessus de tout cela, une pelure d’aubergine frite qu’on se contenterait de regarder, mais qui vaut le coup de dents. La cuisson a su respecter la délicatesse du flétan, et la sauce est un péché suave. Mon invitée me confirme tout cela, après qu’elle m’ait autorisé à tâter du poulet de Cornouailles: goût fin d’une chair tendre dans une sauce brun foncé, très goûteuse. Un café me suffit pour repenser à tout cela en regardant les assiettes repartir, tristes d’être vides. Mon invitée se pourlèche et, comme quelqu’un qui se lance dans la mêlée, attaque son Paris-Brest bien sucré.

Restaurant Paris-Brest
590, Grande Allée Est
Québec (Québec)
Tél.: (418) 529-2243
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 40 $
Table d’hôte: 17,50 à 24,50 $