Voilà une maison dont je souhaite presque conserver l’adresse pour moi. D’abord, parce la popularité tend parfois à rendre les restaurateurs paresseux – ça s’est vu et ça se voit toujours et partout; il y a donc un risque -; et ensuite, parce que je serais assuré de toujours y trouver une table libre. Mais hélas, pour mes difficiles papilles, je ne suis pas seul sur cette affaire. Le midi, Le Nagra est populaire auprès des profs de l’UQAM, et peut-être des étudiants plus riches et plus pointilleux.
Enserrée dans son étau de verre et de métal, dans un décor encore un peu froid et impersonnel, que quelques posters et fleurs fraîches ne réussissent pas à réchauffer; coincée entre deux institutions de béton et de briques – la cinémathèque et un institut technique – cette maison pourrait être sans personnalité. Mais ce serait sans compter sur la présence et le talent assez remarquables des patrons, deux Normands ayant migré vers la Provence dans leur tendre jeunesse. La cuisine qu’ils proposent dans cet endroit sympathique d’allure très contemporaine n’a rien (et je les en félicite) de normand, mais tout à voir avec le Sud, le Languedoc et la Provence. C’est que Richard, dans sa cuisine, et Arielle en salle savent ce qu’ils font, connaissent parfaitement leur terroir d’adoption et entendent bien l’imposer (en quelque sorte) à leurs clients. Cuisine française? Oui, mais cuisine d’un terroir régional riche et vigoureux, inondé de soleil à longueur d’année, dont les plats sont plus digestes et opulents que ceux d’une cuisine bourgeoise commune dont je commence sérieusement à me lasser puisqu’elle a trop longtemps dominé la restauration à Montréal.
La carte, courte et bien faite, propose des mets traditionnels se tournant résolument vers la campagne méridionale. Le potage Choisy, offert en table d’hôte, par exemple, pourrait paraître banal s’il n’était si près du goût réel des pommes de terre et de la laitue bien fondue, mais dont la saveur perce le bouillon. Même verdict pour la salade de jardin toute simple, faite de légumes qui goûtent réellement ceux du jardin. La bonne surprise nous vient surtout des plats principaux, qui marquent un crescendo puissant: dans un cassoulet d’enfer, bien travaillé – où le canard est confit sur place -, fait avec de la saucisse de Toulouse et dont les parfums pénètrent les haricots; ou dans les cailles grillées et désossées, que l’on sert sur une salade de laitues mélangées, finement nappées d’une émulsion bien française d’huile d’olive et de moutarde. Tout est incontestablement soigné et précis. Et cela, même si, au dessert, on nous propose une version «Année en Provence» du brownie américain. La pâte est dense en chocolat et en calories, mais parfaitement réussie. Ah! les choses auxquelles on se soumet pour faire ce boulot!
Et puis, si la vérité doit être dite, c’est la patronne de cette maison sincère et chaleureuse qui nous a charmés par sa vivacité et son intelligence. Le seul bémol vient d’une carte des vins constituée de lieux communs, ignorant tous les petits crus formidables du Sud de la France, que l’on peut se procurer facilement, et qui accompagnent si bien cette cuisine musclée. Comptez 50 $ pour deux personnes avec les taxes et le service.
Le Nagra
335, boulevard de Maisonneuve Est
842-9582
La Calebasse
Odette est ivoirienne. Elle est adorable, d’une gentillesse inouïe, d’une grande beauté; et c’est pour ça que j’aime son petit resto de quartier qui propose des plats coquins, pleins d’esprit et de goût. Pour ceux qui ne connaissent pas la cuisine d’Afrique de l’Ouest, avec ses ragoûts épais et riches qu’on appelle «sauces», ses préparations de fritures de poisson, ses marinades de poulet et de piments, c’est une bonne occasion de la découvrir. Cette cuisine, malgré les années de colonisation, n’a pas subi l’influence de l’Europe; mais elle a, en revanche, grandement influencé celle de l’Amérique. Oh! il n’y a rien de raffiné ici, ni de grande diversité au menu, et l’ambiance et le décor sont simples, modestes même. Il n’y a qu’une généreuse cuisine du cour, et c’est parfois bien suffisant. On y dépense 25 $ à deux, taxes et service inclus. Mais on n’a pas encore le permis d’alcool.
La Calebasse
2528, rue Jean-Talon Est
725-1661
Amuse-gueule
Voici une liste des dix aliments les plus nourrissants, d’après le Guide to the Best and Worst of Everything (Prentice Hall):
1- feuilles de navet crues
2- épinards crus
3- bok choy
4- céréales à 100 % de grains entiers
5- feuilles de navet cuites
6- céréales de maïs
7- feuilles de betterave cuites
8- persil frais
9- brocoli cru
10- feuilles de navets trop cuites
D’abord l’affaire Lewinsky, et ensuite ça! Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer des âneries américaines!