Restos / Bars

Rameau d’olivier : Couscous sismique

La clientèle d’habitués ne jure que par les tajines du Rameau d’olivier, lors même qu’elle y vient aussi pour autre chose. Pour les keftas, merguez et pâtisseries maison, par exemple, dont le petit établissement approvisionne certains clients et quelques commerçants de la région. Ou bien pour le couscous (vraiment royal!), les viandes toujours marinées, les grillades, les légumes, sans parler de cette humble confiserie orientale qui m’a toujours fait craquer: le rahat-loukoum (ou «loukoum» tout court pour les intimes). L’accueil? Cordial, et aussi simple que le décor dont les affiches, lampes, assiettes et tableaux suffisent pour esquisser l’Algérie – une Algérie sereine. Sur les brèves étagères vertes se pressent des théières en argent de différents formats. Les murs s’ornent ici ou là de paysages marins, plus une vue du désert dominée par un chameau posté en avant-plan. La musique répand dans la pièce des vagues de langueur qui vous font rêver de poufs, de coussins, de soieries et de bijoux sonores. Pour ce qui est de la réalité palpable, elle se dresse là, devant nous, sous la forme d’un chevalet sur lequel s’inscrit la table d’hôte: boureks (feuilleté au poisson, à la viande, etc.), calmars vinaigrette, poisson, foie d’agneau grillé, fruits de mer sauce au safran, couscous (aux légumes, aux keftas, au poulet, à l’agneau, aux fruits de mer)… Parfois, j’aimerais pouvoir commander «un petit peu de tout». Sans doute est-ce dans de semblables dispositions que mon invitée choisit en entrée une assiette de kemia (variété de hors-d’ouvre) assez rapidement servie: olives noires, hoummos, purée d’aubergine, tchakchouka. Mais tous les poissons, grillades et autres ne nous consolent pas d’avoir lu sur la carte que le tajine, mets de longue et lente cuisson, se commande au moins deux heures d’avance. Pleurnicher ne servirait à rien. «La prochaine fois…» commente simplement mon invitée avant de s’en prendre à mon bourek aux épinards – pâté léger, peu gras et de bon goût. Ces préliminaires expédiés, un Château Mornag se paie un peu de bon temps en notre compagnie. Nous n’attendons pas longtemps la suite. Pour moi, les brochettes d’agneau grillé, luisantes et dorées sur un lit de riz. Les légumes? Je les ignore, grisé de bonne viande! En face de moi, un couscous abondant livre sa royauté à notre bon vouloir: agneau, merguez et poulet, pois chiches et consorts en prennent pour leur rhume. Nous terminons cela avec un thé à la menthe… Et puis, quelques jours plus tard, rebelote! Cette fois, nous avons commandé plusieurs heures d’avance nos tajines. Pour nous encourager à manger chaud, très chaud, il pleut à verse dehors. A l’intérieur, nous entamons les hostilités au moyen d’une chorba (ou cheurba), véritable soupe miracle, parfumée de menthe et de coriandre, qui vous requinque le plus flagada et vous rappelle à chaque bouchée que l’appétit vient en mangeant. Nouilles, carotte, courgette, tomate, pomme de terre… bref, votre cuiller ne remonte jamais bredouille quand vous la plongez dans le bouillon criblé de petits yeux d’huile. Après cela, l’heure est grave, car mon invitée et moi attendons, inquiets… Et s’il y avait eu un empêchement, une tuile, un malentendu? Mais non! ils arrivent. On les découvre devant nous, nos tajines aux pruneaux, et une bouffée de chaleur parfumée nous saute au visage. Des pruneaux et des moitiés d’abricots entourent les morceaux d’agneau soigneusement dégraissés. Il s’y mêle des amandes, des graines de sésame… et nos fourchettes désordonnées à force d’impatience. Entre deux halètements, mon invitée et moi exprimons le diagnostic: meilleurs que les derniers que nous avons mangés – ailleurs, bien sûr. Ma seule frustration, en fait, c’est de devoir m’arrêter avant la fin. Même le thé à la menthe n’arrive pas à me faire une petite place pour une bouchée de dessert. En forçant un peu, je parviens tant bien que mal à caser un demi-loukoum, puis je me hâte d’aller marcher un peu.

Restaurant Rameau d’olivier
1282, avenue Maguire
Sillery (Québec)
Tél.: (418) 687-9725
Menu du midi: 6,95 à 9,95 $
Table d’hôte: 9,95 à 18,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 46,30 $