Restos / Bars

La crêperie de Sophie : Crêpe ou ne pas être

C’est vers le milieu de l’été que nous avons aperçu l’enseigne pour la première fois, presque en face de la «place de la FAO». Notre dialogue, plutôt laconique, a eu l’allure suivante: «C’est nouveau, ça… Encore une crêperie!» Nous n’y avons plus pensé. Rien n’est venu nous rafraîchir la mémoire. Jusqu’au petit battage publicitaire des dernières semaines qui m’a laissé vaguement intrigué, c’est-à-dire juste assez. Il y était question, entre autres, de «crêpes flyées»… S’envoyer en l’air à coup de sarrasin et de froment, pourquoi pas? Le soir du lancement officiel, je me décide in extremis à me rendre sur place, histoire d’en avoir le cour net. Comme d’habitude, je me promets déjà, en franchissant le seuil, de revenir à un moment plus… anodin. La pièce, remise à neuf, s’habille de rouge, de bleu pâle, de briques rouges et de pierres grises. Du plafond bleu de nuit tombent de superbes lustres de laiton et de verre givré. Dans ma main, une bière froide épuise lentement ses bulles. Tout en conversant avec quelques personnes, j’observe en catimini la cuisine bien en vue où se démènent deux toques blanches. Serveurs et serveuses s’activent, eux aussi, dans tous les azimuts. Deux musiciens se chargent de l’ambiance, rivalisant de décibels avec la rumeur multiple des conversations. Mon amie a fait lentement le tour de la pièce, apéro en main. Elle revient et m’annonce à mi-voix ce que je m’apprêtais à lui dire: «J’ai faim.» Une fois que nous avons pris place, la carte se propose de répondre à toutes nos attentes. A commencer par la fondue parmesane (faite maison), les escargots gratinés, les salades (roquefort, noix, fromages variés, jambon, etc.)… jusqu’aux desserts flambés ou non et accompagnés ou non de crème glacée. Je me laisse convaincre par un parfait de foie de volaille (maison) – dont on me vante les mérites sans me dire que c’est tout un repas que ces trois énormes tranches de savoureux pâté, servies avec confits d’oignon et de carottes, laitue, tranches de concombre et demi-tomate cerise. Et moi qui ne peux jamais me passer de pain!… Me rendrai-je jusqu’aux crêpes? Mon amie, que la faim met pour le moment à l’abri de toute philosophie, se tape en douce une salade verte (soi-disant petite) sans se poser de question, puis, entre deux gorgées de vin rouge, augure à haute voix de ce que sera la suite. Eh bien, aussi abondante! Négligeant les «classiques», nous avons évidemment choisi parmi les «flyées»: pour moi, la «Gaspésienne» (pétoncles, crevettes et palourdes dans une sauce au vin blanc); pour elle, une «Brestoise» (saucisses accompagnées de chou braisé aux petits lardons). Avec, pour l’un et l’autre, pommes de terre, carottes et brocoli. Sous les garnitures, de larges crêpes brunes, non refermées, débordent presque des assiettes. Cela se mange trop bien, trop vite, mais ne nous interdit pas pour autant une «spécialité de Sophie», soit une pomme farcie en aumonière qui clôt pieusement la soirée. Nous en avons eu assez. Assez pour nous donner l’envie de revenir. Au moins pour nous assurer que les assiettes sont aussi généreuses même le midi. La faim amochée par un gros bol de «potage du moment» (soupe poulet et légumes), j’ai peine à attaquer (et davantage encore à terminer) mon steak frites. La viande est pourtant de premier choix, succulente au point qu’on la croirait marinée. Je déplore qu’elle n’ait pas été cuite sur le gril, mais c’est là un caprice d’estivant égaré en automne. Végé à ses heures, mon amie s’est d’abord fait amener le «deux cours en vinaigrette» (artichaut et palmier), puis une énorme salade de fruits de mer tiède (crevettes, sole et saumon), présentée dans une grande corolle de crêpe. Pour l’un et l’autre, une fois de plus, c’est beaucoup trop. Nous nous faisons violence (mon oil!) pour terminer avec deux desserts maison: mousse aux bleuets et truffé au chocolat. A force d’en échanger les bouchées, nous sommes bientôt incapables de nous rappeler qui a pris quoi.

La crêperie de Sophie
48, rue Saint-Paul
Québec (Québec)
Tél.: (418) 694-9595
Menu du midi: 8,75 à 12,95 $
Tables d’hôte à partir de 14,95 $
Dîner pour deux (incluant les taxes et un verre de vin): 31 $