Restos / Bars

Le Chrysanthème et Toujours vert : Chinoiseries

Aucune culture n’est aussi obsédée par la cuisine que celle des Chinois. Ils en parlent avant de se mettre à table et pendant le repas; et après, ils commentent ce qu’ils viennent de manger comme de vrais critiques. Leur langue est également délicieusement truffée d’expressions et de mots qui révèlent l’importance cruciale de la nourriture. Par exemple, on ne dit pas «Bonjour!», mais «Avez-vous mangé votre riz?». C’est bien simple, à côté d’eux, les Français ont l’air d’Américains et les Américains, well…

Un peu à l’écart des sentiers orientaux battus, Le Chrysanthème file sa destinée de dragon bourgeois, dans un décor sobre, élégant et sans folklore. Cela plaît aux gourmets qui le fréquentent depuis pas mal de temps et qui se régalent avec une cuisine sophistiquée et plantureuse. Proposant des spécialités du Sichuan et de Pékin – deux régions qui n’ont en commun que le fait d’utiliser des épices dans leurs cuisines respectives -, ce resto s’affirme comme l’un des meilleurs en ville avec des mets relevés, d’une précision de goût étonnante, et d’une grande adresse dans le maniement des épices. Une entrée d’aubergines miniatures poêlée avec justesse dans un mélange de soja et de citron, déglacée au vinaigre et servie sur un craquelin de riz, en fait foi. Un plat de porc mu-shu – pas trop aigre et surtout pas trop doux – enveloppé dans de minuscules crêpes avec des échalotes, un remarquable poulet sauté aux litchis, des nouilles sautées, et d’originales propositions de fruits de mer et de poisson montrent que la cuisine chinoise tient encore le haut du pavé, quand elle le tient, c’est-à-dire quand on la déguste dans un restaurant de ce calibre. Service courtois avec l’accent d’ici. Comptez donc 50 $ à deux, incluant les taxes et le service, mais sans les boissons.
Le Chrysanthème
1208, rue Crescent
397-1408

Toujours vert
Passons sur le décor glauque, et parlons plutôt de la cuisine assez généreuse de ce Toujours vert, qui propose des spécialités sichuanaises plutôt bonnes. Et parlons aussi d’un menu qui n’est pas interminable et qui propose des plats comme on en voit dans tous les restaurants chinois de la Terre, mais qui ne manquent cependant pas d’authenticité. C’est que les vrais restos chinois n’abondent pas sur le Plateau. Un boeuf au sésame et le poulet du général Tao bien croustillants et peu gras, les dumplings cuits à la vapeur et nappés d’une savoureuse sauce aux arachides, des nouilles à la Singapour assaisonnées au curry, tout cela mérite des applaudissements. Toujours vert fait très bien l’affaire pour nous changer des pâtes, pour une petite sortie, pour dépanner un soir où l’on n’a pas envie de traîner ses savates dans un resto branché, ou si l’on veut retrouver cette ambiance si «typique» du Chinatown. Et puis les patrons sont bien aimables, malgré l’ambiance de salon de coiffure. Trente dollars pour deux repas, deux bières, les taxes et le service.
Toujours vert
4339, avenue Papineau
525-9292

Amuse-gueule
Il y a quelques semaines, j’ai écrit sur la lamentable nourriture que l’on imposait aux étudiants dans les cafétérias. Dans l’une des capsules, intitulée «A la soupe», j’ai égratigné l’Université Concordia, tout en ignorant qu’à deux pas de là, il y avait, au Faubourg Sainte-Catherine, un petit troquet qui sert des soupes et des sandwichs aux étudiants et qui s’appelle justement A la soupe. Soyez assuré que l’endroit n’a rien à voir avec la cafétéria et qu’il sert de la vraie soupe, lui.

Le presque mythique Paul Bocuse était en ville cette semaine pour faire une tournée de promotion avec les Champagnes Mumm’s. Je dis «mythique» parce que, tant au Québec qu’en Europe, son nom est synonyme de défense et de promotion de la grande cuisine française. Et de la bonne cuisine en général, il faut bien le dire. Bocuse se faisait en fait le défenseur d’une gastronomie débarrassée de ces inutiles complications – entre autres les sauces lourdes et riches – qui avaient marqué le développement de la cuisine française depuis presque un siècle. Le chef préférait mettre l’accent sur le goût naturel et réalisait des plats simples et sans audace, mais où les saveurs étaient celles des produits. C’est une attitude sur laquelle on n’insiste pas encore assez dans la formation professionnelle. Grâce à son restaurant lyonnais, encensé par la critique pendant des années, il est passé d’artisan à superstar du poêlon. Il a publié plusieurs livres de cuisine, participé à des émissions de télé, a défendu les jeunes cuisiniers, les a formés, et s’est construit un véritable empire de la gastronomie. Le Ritz Carlton lui rendait hommage jeudi soir dernier au cours d’une soirée de gala. Et La Maison de la France le recevait à la table des Caprices de Nicolas le lendemain.