Parfois, ce n’est pas la nourriture qui fait le restaurant. Il arrive que ce soit l’ambiance. Quand la clientèle sourit, quand le service est fait avec une réelle fierté, quand le fond sonore est approprié, ça nous donne envie de revenir dès qu’on a passé la porte.
Et si la carte ne fait pas toujours preuve de grande originalité, on ne doit pas oublier qu’en cuisine, on n’invente rien, on interprète. Correctement ou non. Ce qui n’empêche pas qu’on ait besoin de bonne cuisine à notre époque de «resto-frime» dont les décors glacials convoitent plutôt les prix de design que ceux de gastronomie.
Autant vous prévenir cependant, au Bistingo, l’ambiance l’emporte sur la cuisine, même si les petits plats bistro du chef sont mitonnés avec soin et une excellente maîtrise des cuissons, et qu’ils battent le rythme des saisons. C’est qu’ici, on se sent en territoire familier tant par ces plats sans artifice que par le service attentionné et connaisseur, et par une clientèle animée. Dans un décor ravissant et tout à fait contemporain, qu’on a volontairement gardé modeste avec quelques affiches, une carte classique est proposée avec une formule à 15 $ ou un menu gibier à 30 $, incluant le dessert.
Autrefois copropriétaires du Sarah Bernhardt (revendu et refermé depuis), les patrons ont voulu répéter l’aventure. Ils espèrent donc garder vivante la tradition des bistros de quartier, ces endroits où l’on se retrouve souvent et spontanément quand on a simplement envie de manger à l’extérieur de la maison. Des endroits où la cuisine doit nécessairement être sans surprise, rassurante, familière. Une ode au vieux pays.
A la carte, on trouve une salade d’endives, de pommes et de noix de Grenoble présentée sur un mélange de laitues variées, le tout nappé d’une émulsion à la moutarde, classique aussi, mais fraîchement préparée. Au menu gibier et servies sur un panaché de laitues, des cailles poêlées sont présentées dans une sauce au vin rouge un peu acidulée. Beau contrepoint entre la sauce et la chair un peu douce des oiseaux, ce mets reste tout de même un peu sage.
Les plats principaux nous procurent davantage d’émotions, surtout la bavette de bison parfaitement rosée, dans une sauce au vin rouge relevée d’anis étoilé, de poivre et de quelques épices. Cette sauce exquise donne d’ailleurs à la viande un goût presque fruité. La cervelle de veau farinée et poêlée à l’épiderme un peu croquant est servie sur une sauce aux agrumes et aux câpres, une variation sur la classique sauce grenobloise. Encore une fois, il s’agit de faire contraster les goûts acides des câpres, du pamplemousse, de l’orange et de la lime avec la texture moelleuse et fondante et le goût un peu ferrugineux de l’abat. Et ça fonctionne assez bien, malgré un accompagnement trivial de pommes de terre à la dauphinoise trop riche, de brocoli et de chou-fleur vapeur trop fades et d’une julienne de carottes et de navets sautés au beurre. Du reste, la julienne aurait largement suffi pour garnir des assiettes qui n’ont pas besoin d’autant d’acteurs secondaires. Et puis le brocoli et le chou-fleur cuits à la vapeur (et ensemble de surcroît) ne sont pas français. Je me demande pourquoi ces légumes d’une tristesse infinie et parfaitement indigestes se retrouvent aussi souvent dans nos assiettes. Quand on sait ce qui peut se faire à partir de légumes et ce qui est disponible sur le marché ces jours-ci, qu’est-ce qui peut bien motiver un cuisinier à nous les servir! Je me déclare à jamais l’ennemi des crucifères bouillis, voilà!
En dessert, des pommes cuites au four, bien caramélisées, sont associées à une sorte de crème brûlée, et à une sauce au sirop d’érable. Succulente gourmandise qui fait le pont entre les produits d’ici et les techniques de là-bas, et qui conclut bien ce repas un peu… solide.
Mais l’enthousiasme du patron me gagne et je finis quand même par apprécier ce Bistingo de quartier pour ce qu’il est: l’essence d’un bon petit resto français chaleureux. La carte des vins est courte et bien faite et l’addition est, somme toute, raisonnable. Il faudra compter 60 $ à deux, avec les taxes, le service et deux verres de vin.
Le Bistingo
1199, avenue Van Horne
270-6162
Amuse-gueule
Tout juste sorti des presses des Éditions de l’Homme, A la Découverte des Fromageries du Québec est le premier livre sur nos fromages indigènes. La petite plaquette d’André Fouillet – sans photos, mais avec quelques cartes – recense soixante-huit fromageries, surtout artisanales, et fait le point sur les variétés et les types de fromages; parle de fabrication et d’emballage; explique le lait cru; et propose même quelques recettes et quelques suggestions de plateaux de fromages. Il était grand temps que soit produit un tel ouvrage. Un must pour seulement dix-sept dollars!