Si j’en juge par son accent, elle pourrait avoir grandi à Ahuntsic. Mais Siham Farhoud est ce qu’il y a de plus libanais en ville. Et même davantage. Elle a autrefois tenu une excellente ambassade culinaire appelée Aux Deux Lilas sur l’avenue du Parc qu’elle a ensuite déménagée sur le boulevard De Maisonneuve Est. D’ailleurs, certaine personnes ont qualifié ce resto de meilleur en ville, même si c’est une petite affaire de famille.
Cela n’a pas empêché madame Farhoud de nourrir de nouveaux projets. Son tout dernier s’appelle le Médi Médi. Il ne me vient qu’un mot pour parler de ce restaurant. Un mot chargé mais, dans ce cas-ci, parfaitement réfléchi: épatant! Installé au sous-sol d’un bel édifice victorien du Vieux-Montréal, on ne pourrait se croire plus éloigné de l’Orient. L’intérieur a été redécoré avec des moyens modestes, mais le résultat est de bon goût, avec des murs en pierre et une prédominance du bleu roi. Seuls quelques objets discrètement placés évoquent le Levant.
Mais ce restaurant libanais cultive l’art de la différence. Avec des plats de la tradition méditerranéenne orientale à la fois savants et créatifs, hauts en saveur et qui mettent en scène les produits les plus simples et les meilleurs (et c’est là le secret), on nous surprend par une présentation soignée qui s’approche plus d’une toile cubiste que d’une table de hors-d’ouvre. Le chef Marie-Renée a appris les spécialités levantines de madame Farhoud mais, en élève douée, elle en donne une interprétation spectaculaire, qui ne laissera personne indifférent. Réduire la cuisine que propose ce restaurant à son ethnicité serait la simplifier. Chaque plat est minutieusement préparé; chaque ingrédient est distinct à la manière d’une polyphonie accomplie; et chaque saveur s’inscrit en continuité entre l’Europe et le Liban. La carte fait aussi quelques incursions dans la cuisine occidentale, histoire de mettre en parallèle son indéniable parenté.
Nous avons pourtant préféré les mezze, qui servent surtout de hors-d’ouvre au repas libanais et qui sont, il ne faut pas se le cacher, la gloire de cette cuisine. De l’hummus et du baba ghanouj classiques, faits avec de la pâte de sésame mêlée à des pois chiches ou à de l’aubergine fumée, qui se présentent dans de jolis bols en terre vernissée. Du taboulé bien citronné où le persil ne dissimule pas la semoule et que l’on présente dans un demi-concombre évidé. Les falafels – de la friture de fèves assaisonnée au cumin ±- sont servis avec une liaison de sésame et de yaourt parfumée au zeste d’orange amère. Les calmars sont cuits dans une friture quasiment aérienne, et une salade au yaourt, à l’ail et au concombre est difficilement comparable au tzatziki grec, qui ne possède aucune qualité de finesse. Les keftas d’agneau grillé sont accompagnés de légumes classiques de la Méditerranée, également grillés et joliment présentés sur un panaché de laitues variées. Des petits pâtés à la viande, aux épinards et à la purée d’olives complètent un menu qui a du génie et beaucoup de goût. Jusqu’au dessert, des baklavas (au beurre, faut-il le préciser) qui concluent en beauté et en calories ce plantureux repas, qui pourrait nourrir une famille entière.
C’est vrai, l’addition est un peu salée, mais pour découvrir que certaines cuisines peuvent égaler ce qui se fait de meilleur en ville, tant par la finesse des préparations que pour la qualité des ingrédients, je vous recommande de vous précipiter là-bas de toute urgence. Cent dollars pour deux personnes, avec les taxes, le service et deux bières.
Médi Médi
479, rue Saint-Alexis (angle Notre-Dame Ouest)
Tél.: (514) 284-2195
Amuse-gueule
A ceux qui croient qu’en ces pages, trop de place est consacrée aux restaurants «ethniques», je répondrai ceci: si la cuisine française reste le standard de base de notre culture gastronomique – et je la défends sur ce point -, ce n’est qu’une tradition, voire une ethnicité au même titre que les autres. Ni meilleure ni pire. Juste plus savante, plus chère, souvent plus figée et inaccessible. La cuisine est un fait de culture, et au même titre que l’art, ne connaît pas de frontières. Mon rôle est donc de faire part aux lecteurs de ce journal (qui s’identifient davantage à la pluralité qu’à l’exception) qu’il existe autre chose dans notre ville que des restos de «professionnels» et de cuisine dite «française».
Le Salon de la gastronomie sera de retour du 5 au 8 novembre prochain à la Place Bonaventure. Sur les cent quarante exposants, il y en aura sûrement pour tous les goûts. Il y a beaucoup de choses plus captivantes que le logo de Maxi et des farines Five Roses. Entre autres, cette année, les épices, la sculpture des légumes et des fruits, le marché du terroir, un kiosque sur les pâtes (commandité par Primo!) et un centre de la pâtisserie. De plus, on annonce deux nouveaux kiosques surprenants tant par le choix des sujets que par leur apparente antinomie: celui de la santé et de l’alimentation (curieusement commandité par la margarine Thibeault) et un second sur les cigares et le scotch! Encore une fois, l’ineffable Pauline Martin sera la porte-parole de l’événement.