Restos / Bars

Montego : A votre satay!

Rien que pour une heure ou deux, nous tournons le dos à l’automne afin de nous livrer, plus que consentants, aux arômes qui parlent de soleil. Il est plus de dix-neuf heures et les clients continuent d’arriver, par couples ou par petits groupes dont les voix se mêlent bientôt à la rumeur ambiante. Comme d’habitude, un beat fébrile anime serveurs et serveuses. Du côté de la cuisine, ça ne dérougit pas non plus. On peut en juger d’un coup d’oil à travers les portes battantes qui ne cessent de battre – c’est leur office – pour livrer à toutes les convoitises un défilé ininterrompu de plats «design», salades hirsutes et colorées, pâtes tomatées qui embaument au passage, petites pièces montées de fruits de mer… Derrière moi, le haut dossier de la banquette fleurie se transforme en un long comptoir chargé de seaux à glace, de bols, de bouteilles de vin. Sur la gauche, au-delà du bar flanqué de hautes chaises rembourrées, tout un pan de mur aubergine sert d’arrière-plan à une collection de tableaux aux tons soutenus: un peu de naïf antillais, sans doute, puis de lointains clins d’oil à Picasso ou à Chagall. A ma droite, deux dames se font face; l’une d’elles occupe la même banquette que moi. Tout comme nous, elles s’interrogent à haute voix sur ce qui leur ferait un bonheur de souper. Vin rouge et assiettes de penne finissent par l’emporter, et la conversation dérive vers un C.V. à traduire en anglais, un deuxième chien à acheter, etc. Quant à mon invitée, elle procède à un inventaire méticuleux de sa mémoire. «J’arrive pas à me rappeler ce que j’ai pris la dernière fois…» Moi non plus. Il faut dire que, la fois en question, nous étions six, chacun picorant à satiété dans les assiettes environnantes. Ainsi, la carte (un peu encombrante, soit dit en passant), la carte a des accents bien familiers: chips de lotus, raviolis de cerf, saumon fumé et mariné, crabe, crevettes… Plus présente, la table d’hôte propose insalata de tomates et bocconcini, satay de saumon au lait de coco, ravioli de caribou sauce Aurore, potage, espadon grillé au beurre de carottes. Je m’octroie une pause mouillée d’une gorgée de Boréale rousse; mon invitée se refile une lampée de Barbera rouge. L’appellation suivante me laisse sceptique: «payarde (sic) de veau au citron». Celle d’après également, vraiment écrite au son comme on dit: «saltimeboca (sic) alla Romana». Trop affamé pour flâner parmi les autres rubriques (entrées chaudes ou froides, osso buco, mignon de bouf grillé, carpaccio, etc.), je me rabats sur un plat de langoustines et pétoncles au jus de thé et nuoc-mâm. «C’est ce que tu avais pris la dernière fois!», s’exclame mon invitée. Je nie. Et, quand arrive mon assiette, je me souviens. Et mes papilles entrent dans une espèce d’effervescence nostalgique. Pétoncles immaculés et langoustines dodues font la ronde dans une sauce très foncée, presque sirupeuse; au milieu, une purée de patates douces (et non de «pommes de terre douces») avec, dessus, des «allumettes» de carottes au goût de panais frit. On passerait une vie à humer ça! Mais je n’ai pas un estomac platonique, mais une fourchette hyperactive qui ne sait plus où donner de la dent. La sauce est d’un goût délicat et parfume tout le palais; les pétoncles fondent littéralement en bouche et les langoustines semblent partager le plaisir qu’elles procurent. Mon invitée elle-même n’y résiste pas et, pour m’amadouer, concède de bonne grâce une partie de son territoire: mini-fettucine où se mêlent tomates fraîches, pignons, emmenthal en morceaux et canard croustillant à la sichuanaise (qu’elle a préféré au lieu du canard fumé). Après cela, notre serveur a beau décliner la liste des desserts, rien n’y fait. Il nous reste un peu de place pour un café et des vestiges d’énergie pour nous rendre jusqu’à ll’auto.

Montego resto-club
1460, avenue Maguire
Sillery (Québec)
Tél.: (418) 688-7991
Table d’hôte: 18,95 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 56 $