Petit projet deviendra grand… Il est en passe de le devenir, si l’on en juge par la réponse de la clientèle, aussi bien celle du quartier (cible prioritaire de l’établissement) que celle dont je fais partie: gens d’un peu plus loin qui s’arrêtent là pour zyeuter un brin, puis décident d’y rester le temps d’un repas et peut-être même d’y revenir à l’occasion d’un spectacle. De l’extérieur, l’immeuble qui abrite ce café nouveau genre n’a rien de particulier, sinon sa masse imposante et l’austérité qu’il dégage. Nous nous attendions donc à nous retrouver dans une de ces froides cafétérias où l’on échoue quand on n’a pas le choix. Annonces et affiches diverses nous accueillent dans l’entrée, ainsi que plusieurs périodiques gratuits. La seconde porte franchie, nous voici dans un confortable petit lieu de détente décoré avec goût et simplicité. Murs jaunes ou noirs et, sur les consoles bleu-mauve des fenêtres, des plantes en pots boivent la lumière du jour. Cela sent le «familial». C’est ce que je me dis en humant une agréable odeur de mijote, aussi discrète que la voix de Cesaria Evoria montant de partout et de nulle part à la fois. Une scène se dresse tout au fond de la pièce, meublée d’un piano, d’une bibliothèque et de deux fauteuils qui se font face de part et d’autre d’une table basse. Dans la salle à manger, il y a assez de clients (couples et petits groupes) pour tenir occupés serveuses et serveurs qui se relayent promptement d’une table à l’autre. Ce midi, les pâtes semblent emporter la faveur du plus grand nombre. Sur la droite, derrière le bar, un grand tableau noir escamote une partie du mur de brique pour proposer le menu du jour en termes de céleri rémoulade, quiche des prés, sole farcie et coulis de poireau, ragoût de tofu, pasta bolonaise, plus une «tomate farcie du poulailler» constituant le spécial du jour… Ajoutons à cela quelques autres mets disponibles à la carte, navarin d’agneau, pasta milanaise, ratatouille, goulash, pasta alla papalina, taboulé, poulet basquaise, etc. Ajoutons encore à cela que, le soir, la clientèle des 16-30 ans ne paie pas plus de cinq dollars (taxes incluses) pour un repas complet. Installés dans une partie surélevée de la salle à manger, près de la scène, nous avons l’impression de trôner. Apportant l’eau, le pain et plus tard nos premiers plats, la serveuse répond chaque fois à nos questions sur ce «nouveau concept» de café-école. La formation des jeunes (au service et à la cuisine, entre autres) n’en est qu’un aspect. Relevant du Centre Jacques-Cartier, il se veut aussi un centre d’animation socio-culturelle (théâtre, conférences, expositions, discussions, etc.) et renoue, par certains côtés, avec la tradition des cafés philosophiques que l’on voit renaître «au compte-gouttes», si l’on peut dire, aussi bien au pays qu’à l’étranger. C’est encore Cesaria qui chante quand nous commençons à manger. J’ai choisi un potage céleri et poires qui, ma foi, ne me fait que du bien; mon invitée ne se plaint pas non plus de son céleri rémoulade (bien agréable au goût), mais attire mon attention sur la petite laitue d’accompagnement… un peu fanée par endroits. La suite s’avère conforme à ce qu’avait deviné mon odorat: une cuisine familiale, simple et simplement servie, copieuse à souhait. Ah, nos verres de vin trouvent à qui parler! A vrai dire, mon jambon au porto ne fait que transiter par mon assiette et je néglige sans aucun regret son escorte de salade (laitue, tomate, carottes râpées) et de pommes de terre (façon «patates brunes»). Quelques bouchées de pain me suffisent… pour éponger la sauce brune et claire. Mon invitée? Elle nage en pleine pasta charcutière – jambon, saucisse piquante, tomates et sauce au vin rouge. D’autres clients sont arrivés entre-temps. L’un d’eux a pris place sur la scène et s’est mis à jouer tout bas d’une guitare que je n’avais pas aperçue. D’autres passent commande ou examinent les couvertures de revues et les bandes dessinées qui décorent le dessus des tables. Le temps s’immobilise. Je sirote paresseusement mon café aux cinq sucres, laissant à mon invitée le temps d’achever sans hâte sa pointe de tarte au fromage où s’incrustent des tranches de poire et de kiwi sous un voile de crème anglaise.
Tam! Tam! Café
421, boulevard Langelier
Québec (Québec)
Tél.: (418) 523-4810
Menu du jour: 6,50 à 8,25 $
Dîner pour deux (incluant les taxes et deux verres de vin): 23,97 $